Afin de mettre en scène l’idée migratoire avec ce que cela peut comporter de notions d’accueil, d’hospitalité, d’acceptation sociale, Kimsooja a procédé à toute une superposition de baluchons colorés et s’en est allée lentement, très lentement, assise sur le faîte de sa remorque, depuis la banlieue sud jusqu’à l’église Saint-Bernard dans le 18e arrondissement parisien. On la voit sur une vidéo évoluer de dos, chaloupant dans une sorte de valse lente, elle remonte les rues en suscitant l’étonnement des passants. Cette performance d’une artiste sud-coréenne s’inscrit dans une exposition collective sise au Mac Val (Val de Marne) jusqu’au 3 septembre.
Le seul défaut général de cette affaire est sa trop grande hétérogénéité. Il y a un effet bazar créatif sur le même thème qui nuit un peu à l’idée « Tous des sangs mêlés », mais comme le propos sous-jacent est bien vague (l’identité culturelle) on ne voit pas comment le musée aurait pu aboutir à quelque chose de plus ramassé, de davantage cohérent.
Le bénéfice appartient donc aux bonnes surprises glanées ça et là comme dans un vide-grenier. Toujours en vidéo il y a ce monsieur qui s’est transporté sur une route qui longe le canal de Panama. Francis Alaÿs a été filmé en train de repeindre soixante bandes médianes sur la chaussée que le temps avait effacées. La zone choisie appartenait aux États-Unis avant de revenir au Panama. Il nous est expliqué que « par son incongruité et par l’effort répété, le geste de l’artiste s’apparente à une interpellation adressée aux habitants de la zone, une succession de traits de peinture » invitant à « réfléchir à la mobilité des frontières comme à l’oubli de celles-ci ». Il serait bien intéressant de connaître en détail l’avis des habitants ainsi interpellés par une performance contemporaine pure. Le film réalisé par David Zwirner et qui dure huit minutes élargit pour le moins le champ des horizons créatifs. Nous voilà bouche-bée.
Parmi les réalisations exposées figure celle du collectif Présence Panchounette, achevée en 1985 et censée faire le portrait de l’homme africain moderne en voyage. Une sculpture de la région Batéké (Afrique centrale) a été installée au sommet de trois valises de format dégressif. Des vraies valises pas celles à roulettes qui sonorisent de nos jours les aéroports comme un lit de gravier sans cesse drainé par la rivière. La touche qui « fait sens » est ce casque audio de walkman fichu sur la tête de la statuette. Une notice pédagogique affirme qu’ainsi on peut dire « que l’homme africain est bien partie prenante de l’histoire », allusion sans doute à un fameux discours de Nicolas Sarkozy que lui avait rédigé son conseiller Henri Guaino et qui disait plutôt le contraire.
Mais la plus remarquable sculpture et à vrai dire elle aurait pu à elle seule faire l’exposition, c’est ce groupe de migrants anonymes confectionnés en résine et mortier. Elle est due à un certain Karim Gheloussi. Cet ensemble fascine -vraiment- par cette apparence de mouvement que l’artiste a su donner à l’ensemble, conférant également un sentiment composite de monotonie, tristesse et résignation tel que peut en dégager un groupe humain en déplacement. L’œuvre se trouve au centre du vaste plateau du Mac Val et pour le coup, elle, interpelle sans cesse, nous les migrants muséaux, sur le chemin aléatoire qui nous mène de découverte en découverte.
PHB
« Tous des sangs mêlés », au Mac Val, Ivry, jusqu’au 3 septembre 2007
NB: Ce Mac Val, avant-poste bien méritoire de l’art contemporain en banlieue, reste toujours aussi malaisé d’accès. Un défaut qui pourrait enfin s’effacer avec l’aménagement en cours d’une ligne de tramway qui partira de la Porte de Choisy. On ne peut que s’en féliciter.