Sur la place Amor de Perdição (Amour de perdition) de Porto on ne peut manquer un grand bâtiment austère à l’aspect solide qui jure avec le nom glamour de cette place. C’est pourtant bien ce bâtiment lugubre qui lui a donné son nom. Amor de Perdição est le titre d’un ouvrage légendaire du grand écrivain portugais, Camilo Castelo Branco (1825-1890). Il a été emprisonné pour adultère dans une cellule de cette ancienne prison et cour d’appel, en 1860. Il y a écrit en quinze jours son livre culte, objet de nombreuses adaptations contemporaines dont le film éponyme de Manoel de Oliveira en 1979.
Jusqu’à ce que le roi décide, en 1606, de faire construire une cour d’appel massive qui ferait également office de prison, la cour d’appel de Porto fonctionnait sans siège propre. Cette construction a connu bien des vicissitudes et l’aventure, qui a parfois tourné au cocasse, mérite d’être racontée. Le projet était titanesque et les fonds du Trésor public ont rapidement fait défaut. Un système astucieux de collecte a alors été mis au point. Les détenus déportés dans les colonies avaient la possibilité de racheter « leur rapatriement » et de purger leur peine à Porto en versant une obole conséquente pour l’avancée des travaux de la prison. Grâce à la contribution des pénitents, l’établissement put être achevé. Il servit jusqu’au 1er avril 1752 – un samedi pascal – où patatras il s’écroula d’un bloc et se mua en un tas de pierres. Assurément un signe du ciel pour nous rappeler que bien mal acquis ne profite jamais. Mais aussi une mise en garde pour les gouvernants que cette technique de crowdfunding carcéral pourrait inspirer !
En 1796, une nouvelle prison-cour d’appel, édifiée sur les décombres de l’ancienne, ouvrait ses portes. Suivant leur crime, leur rang social et la pension qu’ils versaient pour leur gîte et couvert, les détenus résidaient dans les cachots collectifs humides du bas ou dans des cellules individuelles aux étages dont certaines offraient une vue panoramique sur Porto… au travers de barreaux. La prison servit sans s’écrouler pendant deux siècles mais fut abandonnée en 1974 après la révolution des œillets. Par la suite, le gouvernement y entreprit des travaux de restauration sous la direction des architectes portugais Eduardo Souto Moura et Humberto Vieira. Et en 1997, le ministère de la culture y inaugurait le Centre national de la photographie, premier musée portugais dédié à cet art. Il abrite les collections nationales et municipales de photographies ainsi qu’une bibliothèque et une librairie spécialisées. La restauration a gardé de nombreuses traces de la prison ce qui ne rend que plus intéressante la visite du Centre de la photographie.Citons les lourdes portes de fer, la chapelle où les détenus suivaient la messe, et les gros barreaux aux fenêtres qu’on peut voir notamment de la cour intérieure.
Des expositions temporaires mêlant habilement photos anciennes et photos contemporaines d’artistes locaux et internationaux sont organisées sur les deux premiers étages. Le troisième étage accueille une collection exceptionnelle, celle d’António Pedro Vicente, un historien portugais réputé, auteur de nombreux ouvrages sur l’Histoire portugaise du XIXe et sur la photographie. Il a réuni plusieurs centaines d’appareils photos qui marquent l’évolution du matériel depuis l’invention de cette technique en 1839 jusqu’à nos jours. Daguerréotypes, chambres noires, caméras binaires, modèles cultes des empires Kodak, Hasselblad et Leica, appareils photos miniatures, polaroids, appareils jetables, … appareils photos « travestis » utilisés par les espions pendant la guerre froide, … cette collection fait faire un voyage inoubliable dans l’Histoire de l’équipement photographique.
Il serait dommage de manquer le Centre portugais de la photographie ! D’autant plus que son entrée est libre, ce qui aurait sans doute fait rêver les détenus. Un seul bémol, l’ouverture du week end, de 15:00 à 18:00, semble tenir davantage d’horaires de visite de prisonniers que de ceux d’un grand musée.
Lottie Brickert
Centro Português de Fotografia– Largo Amor de Perdição – 4050-008 Porto, Portugal.
Ouvert du mardi au vendredi de 10h00 à 18h00. Le samedi et dimanche de 15h00 à 18h00.
Un adultère, de la prison, un livre à succès : est-ce là une incitation à l’adultère ??!!
Quand je pense qu’il y a quelques années, j’ai passé quatre longs jours pluvieux à Porto sans connaître l’existence de ce musée qui m’aurait certainement ravie!