C’est en découvrant « Cinq années dans les pattes de Gérard Depardieu » que beaucoup de lecteurs ont pris note de l’existence d’un précédent album concernant François Hollande. À la fois auteur de bande dessinée et reporter, Mathieu Sapin a en effet inauguré la formule lors des primaires socialistes de 2011. Il a suivi le candidat jusqu’à son élection durant six mois. Surtout dans le contexte actuel, cette BD se révèle aussi attachante que la seconde.
Elle est peut-être moins drôle parce que le personnage central est quand même moins inspirant qu’un Depardieu qui ne s’embarrasse pas vraiment d’éléments de langage quand il a quelque chose à dire. Mais ce sont les hommes et les femmes qui gravitent autour du candidat qui font tout le suc de cette œuvre. L’effet de contraste avec la présidentielle 2017 relève encore son fumet.
Mathieu Sapin a un talent tout particulier pour croquer et égratigner le bal des petits et grands ambitieux sans s’épargner lui-même. Son travail est quasi-journalistique en ce sens qu’il apporte de véritables informations happées ici ou là, du QG de campagne au bistrot du coin en passant les moyens de transports où se trouvent les journalistes embarqués. Avec cinq ans de recul, l’infographie présentant l’équipe de campagne, ne manque pas de piment. Tous ceux qui ont fini par manquer au candidat devenu par la suite président sont là: Manuel Valls (directeur de la communication), Delphine Batho (porte-parole), Anne Hidalgo et Gérard Collomb (représentants particuliers), Aurélie Filipetti (conseiller thématique) pour ne citer qu’eux. En politique la fidélité n’est souvent pas autre chose qu’une attitude calculée dont le résultat varie selon des intérêts eux-mêmes fluctuants. A noter qu’à l’époque où l’album est réalisé Emmanuel Macron n’y figure pas. Ses ambitions sont encore secrètes.
Mathieu Sapin s’amuse et nous montre crayon en main ce que l’on ne voit pas forcément dans les médias. Dans une case il dessine l’image de François Hollande dans le jardin de la maison natale de François Mitterrand « telle qu’on la voit à la télé » et dans la suivante il nous fait voir « l’image que voit François Hollande » en même temps c’est à dire une équipe technique, des micros au bout d’une perche, des journalistes au bout de la perche etc… D’un côté le futur président normal a l’air presque seul au monde, méditatif pour les besoins de la com’ et de l’autre, c’est une toute une foule mêlant professionnels, sympathisants et curieux, subjugués comme des insectes devant un pain de miel.
Avec un talent certain, Mathieu Sapin picore ça et là des citations sentencieuses, des prévisions idiotes et des commentaires rendus incompréhensibles par les trois contradictions contenues dans la même phrase. Il fait son marché dans le sillage de l’équipe de campagne mais aussi au café du commerce où tout un chacun peu balancer des expertises définitives entre deux ballons de rouge. Ainsi ce 12 décembre 2011 dans un bistrot du 6e arrondissement où un monsieur grisonnant explique que Mitterrand « c’était un mec de droite qui n’avait rien compris à la gauche« . Qu’il avait été élu seulement « parce que c’était lui« . Mais que « c’était un mauvais président » tout en étant « intelligent« . Mathieu Sapin annote, crayonne et nous réjouit de toutes ces perles émanant de ceux visités par la mère de toutes les certitudes.
Petit, malingre, le BD reporter à casquette va là ou personne ne va. Il s’installe dans des espaces non convenus dont la juxtaposition se révèle pleine de sens et de saveur. En tant qu’infiltré minuscule, il joue de sa discrétion, promet de ne rien dire et balance tout avec une malice qui nous fait bien rigoler. Le hasard fait qu’il partage un jour l’usage d’une pissotière avec le candidat et son garde du corps et s’il en fait une page c’est qu’en tant qu’auteur de BD il peut justement se le permettre. Il fait même attention à ne pas se prendre la grosse tête et si ça lui arrive il le mentionne, notamment dans l’addendum 2016 qui ne figure logiquement pas dans l’édition 2011. Dans cet ajout il fait part à son interlocuteur de ses projets pour les années à venir et précise entre parenthèses à son propre égard: « le mec qui se prend pour un grand journaliste politique » et un peu plus loin « ou carrément pour Saint-Simon« . Finalement le plus attachant c’est lui. On a hâte de connaître sa prochaine expérience.
PHB
« Campagne présidentielle »
« 6 mois dans les coulisses de campagne de François Hollande ». Dargaud, édition 2016 augmentée de 7 pages inédites.
Désolé pour Mathieu Sapin, je boycotte tout ce qui concerne François Hollande. Comme ses prédécesseurs et ses successeurs, s’il reste dans l’Histoire, ce sera dans ses poubelles !
Qu’on oublie ces tristes sires… et qu’on passe enfin à un régime démocratique où l’on ne sera pas contraint à des choix impossibles et manichéens… et qui sera autre chose qu’une vulgaire votocratie.
Personnellement cela me donne envie de le lire….
Ne pas se priver non plus de notre Saint-Simon à nous, Patrick Rambaud et sa « Chronique d’un règne. François le Petit ». Tome 1 en poche. Le 2e est sortit.
Que du bonheur (et de la hargne!)