Ambassade d’Argentine, 6 rue Cimarosa dans le seizième arrondissement de Paris, mardi 21 mars, 18 h. J’étais conviée à un concert privé, et on m’avait envoyé une photo du CD : quatre beaux garçons très souriants, photographiés sur des rochers sombres sur fond de mer et de ciel très blancs. Il était question de tango mais pas seulement, précisait l’invitation.
N’étant pas spécialement « tango », j’avoue que j’étais plus attirée par le fait que le concert se déroulait dans un lieu insolite, cette ambassade d’Argentine que je ne connaissais pas et souhaitais découvrir. Car même si j’ai un faible pour le nouvel auditorium de la Maison de la Radio où je me sens comme chez moi, j’aime beaucoup écouter de la musique dans des endroits inattendus, révélant des alliances nouvelles entre la mélodie, le décor, l’atmosphère.
La façade de l’ambassade d’Argentine, style fin du dix-neuvième siècle, est imposante, occupant une belle surface de la toute petite rue Cimarosa. Par contre assez peu de sécurité, puisque je suis entrée sans contrôle, et j’ai trouvé librement mon chemin vers le bâtiment tout de suite à droite sous la voûte. Magnifique escalier montant au premier étage vers une salle double, hauts plafonds blancs à moulure, murs grèges, grand lustre de cristal, drapeaux français et argentin entre les trois fenêtres montant jusqu’au plafond, ceintes de draperies.
Comment le tango allait-il se marier avec cette atmosphère Belle Epoque plutôt rococo ?
Nous étions une quarantaine de spectateurs, pas plus, et durant l’effervescence d’avant concert, on entendait beaucoup parler espagnol, je veux dire argentin. On se saluait, s’embrassait. Le temps passait. Rien de l’exactitude d’une salle de concert. Enfin le pianiste et le violoniste se sont placés dos aux fenêtres sur la gauche, le bandonéoniste au milieu, le contrebassiste à sa droite.
Nous avons été immédiatement saisis par le haut niveau des instrumentistes comme de la musique. Ici pas de tango racoleur, pas d’improvisation, mais un grand talent de composition, celui du bandonéoniste Juanjo Mosalini. Le quatuor était là pour faire connaître son dernier CD, et je me régalais de ces sonorités si nouvelles pour moi, du piano donnant le rythme, des duos entre le piano et le violon, entre le violon et le bandonéon, entre le bandonéon et la contrebasse. Mille combinaisons musicales que j’entendais pour la première fois. Je remarquais que tout en étant le cœur du quatuor, le bandonéoniste-compositeur Mosalini se faisait comme discret par rapport aux autres, sauf dans ses solos, bien sûr.
Et je m’amusais d’entendre ces mélodies à la fois puissantes et subtiles se déployer dans le décor rococo… En fait, j’avais le sentiment d’entendre beaucoup plus du jazz que du tango, notamment à cause du piano très jazzy. Impression renouvelée à l’écoute du CD.
L’assistance était bien sûr bourrée d’amis et de proches, mais je suis quand même parvenue à recueillir quelques confidences d’après concert des musiciens. Le quatuor est à l’initiative de deux Argentins de Paris (une importante communauté, disent-il), Juanjo Mosalini arrivé à onze ans dans la capitale avec ses parents fuyant la dictature militaire, et le contrebassiste Leonardo Teruggi, né ici même. Leur français est donc excellent, mais visiblement, leur âme est restée en Argentine, leur Dieu étant Astor Piazzolla, auquel ils se réfèrent en tout. Notamment dans cette façon de s’être adjoints pour ce CD un pianiste (Romain Descharmes) et un violoniste (Sébastien Surel) français classiques d’une grande réputation et virtuosité, et de bannir toute improvisation. Ils me précisent que le titre du CD, « Chamuyo », signifie en argot argentin « tchatche », ou « baratin », en référence à ces fausses valeurs qui ont envahi le monde, auxquelles ils opposent l’intégrité allègre de leur musique.
Après cette découverte de l’ambassade d’Argentine aux accents d’un tango jazzy, je me réjouis à l’avance de découvrir bientôt deux nouveaux lieux insolites. Tout d’abord au Studio Raspail, que j’ai dû fréquenter autrefois, si ma mémoire est bonne, en tant que studio d’art et d’essai. Il a été choisi pour trois concerts uniques par l’association « Coline en Ré », une des plus remarquables organisations soutenant la cause des enfants défavorisés dans le monde grâce à la musique. Je la connais depuis des années, et suis allée aussi bien écouter de tout jeunes musiciens dans le salon de mon amie Françoise Caillet (à l’origine de l’aventure avec Jean-François Galliot), que dans les sous-sols d’une église du seizième arrondissement ou les ors de l’Opéra Comique.
Ce sont trois dimanche musicaux qui nous sont proposés cette fois au studio Raspail, sous le titre « Les Egéries, Concerts et lettres intimes…. ». On évoquera donc les mânes de Clara Wieck et Robert Schumann le 23 avril, celles de Madeleine Pagès et Apollinaire le 21 mai, et celles de George Sand et Alfred de Musset le 18 juin.
Les lecteurs des « Soirées de Paris » connaissent la rocambolesque histoire des amours de Madeleine et Guillaume : le 2 janvier 1915, ils se retrouvent par hasard dans le même compartiment du train Nice-Marseille, font connaissance, échangent leurs adresses. Depuis le front où il officie comme artilleur, Apollinaire écrit une première lettre le 16 avril à la jeune professeur de lettres d’Oran. Puis les échanges courtois se feront de plus en plus osés, le poète réclamant souvent à Madeleine de nouvelles photos. Toujours par lettre, ils s’avouent leur amour réciproque, et le 10 août, Apollinaire demande la main de Madeleine à sa mère, qui accepte la proposition. Ils ne se sont pas revus, mais les rapides rencontres et les amours épistolières ne sont-elles pas les plus belles ? Le poète devra attendre une permission fin décembre pour voguer jusqu’à Oran et y passer quinze jours auprès de son amour. Comme on le sait, il repartira au front, sera blessé par un éclat d’obus le 17 mars 1916, et refusera de revoir Madeleine plus tard.
Lors du concert du 21 mai au studio Raspail, Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie- Française, nous lira quelques lettres échangées par les amants de papier, et trois femmes, deux pianistes et une violoncelliste, évoqueront leur mémoire.
Autre manifestation musicale aimant les lieux insolites, « Les Pianissimes », fondées par Olivier Bouley, veulent « désacraliser la musique » et « soutenir de jeunes talents ». Son fondateur nous balade de l’ancien Conservatoire national supérieur d’Art dramatique (dans le neuvième) au Café de la Danse (onzième), du Théâtre de l’Athénée (dans le neuvième) au Couvent des Récollets (dixième) et dernièrement, il aime à prendre ses quartiers dans l’auditorium du Musée Dapper, 35 bis rue Paul Valéry, dans le seizième arrondissement. Un de ces musées parisiens que j’affectionne, tout simplement parce qu’il est un peu confidentiel, lové dans un écrin architectural moderne tout de bois sombre très réussi, et que ses expositions d’art africain, fort pointues, se déploient modestement dans seulement quelques pièces, sur deux étages (alors que l’atmosphère du Quai Branly m’a toujours oppressée.)
Je me réjouis de découvrir son auditorium lors du prochain concert des « Pianissimes » le 21 avril prochain, pour y entendre un jeune pianiste cubain passé par le CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique) de Paris, Gabriel Urgell Reyes. Comme nos deux argentins de Paris, il se trouve, lui aussi, à la confluence de plusieurs cultures, et nous propose un récital mêlant danses argentines, afrocubaines et espagnoles, ces dernières signées du grand Federico Mompou.
Lise Bloch-Morhange
www.mosalini.com/
www.coline-en-re.com/
www.pianissimes.org/
TEXTE PLEIN DE LYRISME BRAVO MAIS NE POURRAIT ON PAS AVOIR TOUT SIMPLEMENT ( SANS RECHERCHES QUI NE SONT PAS DE MON AGE – PENSEZ A VOS AINES) LE CALENDRIER AVEC DATES ET LIEUX.
JE PARTAGE VOTRE ENTHOUSIASME EN VOUS LISANT ET MAINTENANT TRES DESIREUSE D ALLER ECOUTER CES ARTISTES.
JE COMPTE SUR VOUS POUR NOUS SIMPLIFIER LES RECHERCHES ET VOUS EN REMERCIE CHALEUREUSEMENT
LIRE CI DESSUS
Bonjour à vous Colette,
merci pour votre réaction chaleureuse!
Pour avoir les détails, il vous suffit de cliquer sur les sites web indiqués à la fin de l’article.
LBM
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