Dans cette salle grande comme un petit gymnase, Cécile Babiole a conçu un couloir aérien. Son installation est, nous dit-on, reliée aux avions qui passent à la verticale de la Gaîté Lyrique. Deux rails lumineux au sol qui convergent vers un écran tout au fond et nous voilà au centre de cette installation lumineuse jusqu’à ce que le bruit caractéristique de l’avion en approche envahisse le lieu. L’œuvre signée Cécile Babiole n’est pas la moins étonnante de cette exposition dédiée aux aéroports qui vient de débuter aux abords du boulevard Sébastopol.
Le but de cette histoire prévue pour durer jusqu’au 21 mai est de décliner le monde aéroportuaire à travers différentes propositions. Les artistes invités livrent leur vision des colimaçons prévus pour encadrer les files d’attente (Matthias Gommel) ou encore des portiques de sécurité qui finiront bien un jour par nous dégoûter du transport aérien. Celui-là détecte notre visage jusqu’à trouver une ressemblance ou une affinité avec les 150 personnalités issues de sa base de données. Cette trouvaille un peu gadget signée Marnix de Nijs et intitulée « Physionomic Scrutinizer », ne suffit pourtant pas à nous réconcilier avec ces engins qui détectent nos émotions et nous scrutent jusqu’à l’os.
Les meilleurs surprises sont vidéographiques. Ainsi la projection de Adrian Paci met en scène une petite foule qui se dirige vers l’escalier mobile d’embarquement. La colorisation des images restitue une ambiance vintage. Des hommes et des femmes grimpent les escaliers jusqu’à la plateforme alors qu’aucun avion n’y est accolé. La photo finale constitue un beau moment de solitude alors qu’un avion, sans doute pas le leur, glisse en arrière-plan sur le tarmacadam. L’artiste albanais signe ici une œuvre hypnotique dont le centre est constitué de visages en gros plan caractérisant l’attente d’un ailleurs qui ne se décide pas à venir. Titré « Centro di Permanenza Temporeana » le film se veut selon la notice une « métaphore poétique et tragique » sur l’environnement des migrations. Et c’est assez bien rendu.
La vidéo du Japonais Hiraki Sawa est de loin la plus étonnante. Le réalisateur a mis en scène un trafic aérien dans les pièces de son appartement londonien. Des avions décollent de la baignoire ou de la table de salle à manger. Son film s’intitule « Dwelling » ce qui signifie « habitation » en français. Le résultat dont on voit un détail détail ci-contre, est un songe extraordinaire dont on ne se lasse pas. Dans ce qui semble être un vestibule, les aéronefs passent et repassent, Hiraki Sawa nous offre un songe éveillé, surréaliste autant qu’esthétique. Le monde et la maison ne font plus qu’un. L’artiste donne ici un sens magistral à la fascination.
Une alcôve est dévolue aux huiles sur papier calque de Masha Shubina. Les œuvres de cette ukrainienne sont des autoportraits qui ne sont pas sans évoquer par leur traité, le travail d’Enki Bilal. Son propos de par les attitudes présentées se veut apparemment féministe, provocant sans excès. Son travail inerte détonne au milieu de toutes ces réalisations en trois dimensions.
Le fait d’avoir concentré dans un même lieu la réflexion d’artistes sur l’univers aéroportuaire fait que singulièrement l’on erre plus que l’on ne se balade dans les sous-sols de la Gaîté Lyrique, de la même façon qu’un voyageur cherche à tuer le temps en attendant sa correspondance. La différence ici est que l’on décolle à partir de l’aéroport international « Réaumur Sébastopol » et qu’à la sortie nous en sommes toujours au même point géographique. Mais cette expo, c’est sûr, fait davantage rêver qu’un vulgaire espace duty free.
PHB
« Aéroports-Ville-Monde » jusqu’au 21 mai 2017, Gaîté Lyrique, 3bis rue Papin, 75003 Paris
La Gaîté Lyrique n’est-elle pas au 3 bis rue Papin 75003 PARIS ?
Cher Pierre Derenne vous avez tout à fait raison c’est corrigé merci de votre vigilance. PHB