Ah la jolie carte postale que voilà depuis la plateforme arrière du bateau qui file vers l’arrêt « Jardin des plantes » son terminus. Dans « Le cave se rebiffe » il y a un dialogue à ce sujet entre Jean Gabin et Maurice Biraud. Les deux hommes montent sur un bateau-mouche pour discuter « fausse mornifle » mais juste avant ils conviennent qu’ils ne se sont jamais lassés de ce genre de croisière à domicile. Fondus dans la masse des touristes ils y profitent d’un anonymat pratique autant que bienfaisant.
Près de 60 ans plus tard sur le Batobus, une jeune provinciale élégante, accompagnée de ses parents, tient dans ses bras un jeune chien dont la jolie tête évoque celle d’un renard. Elle dégage un bras pour embrasser le spectacle d’un geste en demi-cercle et se penche vers son animal pour lui dire avec un beau sourire « Tu vois, c’est ça Paris« . Serré contre la poitrine de sa maîtresse, le chien est aux anges.
A bord c’est toujours les vacances et c’est sans doute pourquoi les Parisiens aiment se mêler comme Gabin aux touristes de bonne humeur. La plupart sont assis à l’intérieur sous la verrière qui confère au bateau une allure de carafe à mouches, mais les vrais amateurs se pressent à l’arrière, à l’extérieur, comme sur les vieux autobus. Ils y hument cet air exquis, ce subtil fumet francilien que « le monde entier nous envie » (1).
C’est bien à cet endroit, en poupe, que c’est le mieux. On y entend dans toutes les langues le bonheur de découvrir Paris sur un tapis de remous et d’écume. Cette américaine à gauche fait très fort. Avec son smartphone elle fait profiter en direct sa famille restée sur place du panorama qui défile tout en délivrant ses commentaires. Le décalage fait que là-bas c’est l’heure du déjeuner alors qu’à Paris les salons de thé refusent du monde. Et en plus il fait beau. Les passagers hèlent ceux des autres bateaux. Depuis le quai les promeneurs échangent des signes avec eux. On se demande pourquoi dans le monde et dans le même temps des chefs d’État s’échangent des insultes.
« Zouave au genou que bouffent les murènes
Aux jours des grandes eaux des inondations
Avec le soir tombant mon poème m’entraîne
Ah je croyais du moins tromper la mort-marraine
Le téléphone sonne et notre destinée
Qui dites-vous
Je deviens sourd
A qui le tour
Salut la
Tour
Eiffel et qui donc cette année
Au
Terminus sera présent
Tirons au sort« , écrivait Louis Aragon dans sa « Fugue du bateau-mouche ».
Le service Batobus draine ses milliers de touristes depuis 1989. Il dessert neuf stations de Beaugrenelle jusqu’à l’aval du Jardin des Plantes avant de faire demi-tour. Sa formule à la journée permet de descendre et de remonter à l’envi. On y retrouve le goût de l’étape et l’on y célèbre dans le même laps de temps le charme du transit. Rien de tel que de se laisser porter, indisponible pour cause de voyage au long cours, durant les deux heures que dure le trajet complet. Les ennuis et autres échéances impératives sont restés à quai et il sera toujours temps d’aller les retrouver au débarquement si par malheur ils sont restés là à attendre comme de vieux paquets soucieux de nuire.
PHB
NB: Un bateau toutes les demi-heures environ. Si l’on dispose d’un Pass-Navigo, la formule coûte 11 euros
(1) In « Le cave se rebiffe » à propos de La Poste)
Plaisante balade!
TRES .TENTANT. Y A T IL AU MOINS UNE CAFETERIA A BORD ?
Juste l’air à respirer chère lectrice, juste l’air. PHB