Dans cette période quelque peu détraquée que nous traversons, à peine baroque hélas, l’art abstrait nous attire comme un refuge, nous offrant une sorte d’asile politique où l’esprit peut se détendre. Dans l’abstraction il n’y a rien à comprendre, elle soulage le regard autant qu’elle le charme ou l’étonne. Le travail de Frederica Nadalutti participe à notre sauvetage provisoire. Elle expose en ce moment-même à la galerie « D’un livre l’autre », laquelle prend pour l’occasion des allures d’infirmerie de campagne.
C’est drôle d’apprendre que cette artiste dont l’inspiration se nourrit aux sources du carré et de son périmètre est originaire de Palmanova en Italie. Le surintendant de la République de Venise a créé à la fin du 16e siècle cette ville-forteresse en forme d’étoile à neuf branches. Pour quelqu’un qui s’intéresse à jouer avec les contours et la géométrie il y avait là comme une possibilité de prédestination.
Elle prétend que son travail est « facile » mais c’est pure modestie. C’est sans aucun doute sa façon de dire qu’elle s’amuse à jouer avec les lignes, à déconstruire les formes, à redéployer les plans. Ses œuvres sont principalement faites de carton, matière qu’elle plie, déplie, tasse et entasse, lui offrant vie et perspectives imprévues. S’y ajoutent de fins éléments de couleur qui jouent parfois les trompe-l’oeil au point qu’en variant l’angle de notre observation la réalisation apparaît sous un jour nouveau, comme si elle devenait une autre.
Les pliages assemblés qui apparaissent sur l’affiche de l’expo témoignent également de sa capacité à faire jouer les couleurs les unes entre elles, multipliant les effets d’optique. Une de ses marques de fabrique est la simplicité, caractéristique qui pourrait effectivement expliquer l’épithète « facile » mais le résultat, de toute évidence « pensé » nous détrompe.
Avant de monter à l’étage on passe devant une petite alcôve qui contient une œuvre réussie, compacte, avec des accents industriels bienvenus. C’est un petit échafaudage (ci-dessous) de cartons pliés en portefeuille et ceints de différents liens de couleur. Dans cet environnement dépouillé, le montage résume assez bien ce que peut faire Frederica Nadalutti : quelque chose d’à la fois modeste et grand, intime et plaisant, auquel on peut prêter -ou pas- toutes les intentions et significations possibles.
PHB
Frederica Nadalutti
Galerie « D’un livre l’autre », 2 rue Borda 75003 Paris Jusqu’au 6 avril
Great Federica, Jacek