Ils plongent, ils fument, ils boivent, ils mangent, ils rient et ils replongent. Un petit groupe d’adolescents se retrouve sur la corniche Kennedy à Marseille et défient la vie en sautant de haut jusqu’à l’eau. On les présume des quartiers difficiles. Une jeune fille sage se joint à eux. Elle est à la veille de passer son bac. Elle se laisse gagner par leur charme joyeux. Signé Dominique Cabrera d’après l’adaptation d’un roman de Maylis de Kerangal, le film « Corniche Kennedy » en salles le 18 janvier, nous invite aux joies fortes et subtiles du vertige.
Une des caractéristiques du film vient de son adaptation. Il n’en est pas sorti un de ces scénarios carrés qui nous guide fermement du début à la fin. La réalisatrice a transposé l’intrigue d’un livre qui l’a séduite, avec sa sensibilité personnelle. « Corniche Kennedy » mélange les codes littéraires et cinématographiques avec une certaine délicatesse. Le jus reste romanesque.
Comme le personnage de Suzanne (Lola Créton) issu de la bonne société marseillaise, on éprouve assez vite de la sympathie pour ces adolescents qui pour mieux profiter de la vie, la remette en jeu tous les quarts d’heure en sautant de plus en plus haut. Dominique Cabrera est allée les chercher dans la rue où plus exactement sur les différents spots d’où ils s’élancent. C’était pour elle plus « juste » à maints points de vue. Ils avaient la matière première, elle leur a appris à jouer. Cela a été « tout un processus, dit-elle, mais c’était magique ».
Bon calcul. Difficile encore une fois de ne pas s’attacher à ces jeunes gens. Au point que le film éveille chez nous des envies de protection. Plonger leur permet de s’évader d’un quotidien difficile de construire un monde à part, un espace de liberté et de se trouver un point de chute au propre comme au figuré. Les deux garçons qui s’amourachent de Suzanne, mineurs ou à peine majeurs, ont déjà connu les bancs des commissariats. L’un est le chauffeur occasionnel d’un gang.
Les seuls plongeons ne feraient pas une histoire. Le banditisme et la police s’en mêlent. Il y a du danger dans cette carte postale immuable de la Corniche Kennedy. Il y circule comme un courant d’air frais qui confère à ce film oxygéné la tension qui lui aurait fortement manqué. Pour ces garçons et filles le danger est partout. Ils l’ignorent avec une gaie désinvolture. La capitaine de police (Aïssa Maïga) et son adjoint (Moussa Maaskri) traversent l’histoire avec justesse c’est à dire sans l’envahir. La première est habitée par une ambiguïté qu’elle restitue assez bien, la nécessité de lutter contre le trafic de drogue et le réflexe de protéger ces tout jeunes gens qui roulent sans casque à trois sur un scooter. Parfois le bonheur ne tient que sur un espace très réduit et dans un temps indéfini.
On finit par être gagné par la crainte que tout se termine mal. De ce point de vue nous voilà de retour dans une proposition de cinéma classique. Mais toute l’habileté de « Corniche Kennedy » à ce propos est de nous posséder habilement avec une fin somme toute originale sans pour autant tomber dans la surprise préméditée. D’ailleurs est-ce vraiment une fin tant ce film vante à raison toutes les ficelles de l’échappée.
PHB
On est d’accord. Voir mon article sur Froggy’s Delight…
Cher Philippe, je vous conseille aussi de regarder les documentaires de Dominique Cabrera qui vont sortir en coffret DVD à la fin du mois sous le titre « Il était une fois la banlieue ». On y verra qu’elle poursuit son travail de documentariste dans la fiction…
Merci du signalement pour l’écrivaine et la cinéaste
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