Des vêtements qui ont du corps

Avec « Anatomie d’une collection », le Palais Galliera présente depuis le mois de mai et jusqu’au 12 février des vêtements et accessoires issus de ses fonds. Disposés dans des vitrines ou sur des estrades, ils ne sont cependant pas exposés comme des objets anonymes. La plupart ont appartenu à quelqu’un, célèbre ou inconnu, et c’est tout l’intérêt de cette exposition, que l’on soit amateur de mode ou pas, de restituer à ces habits leur histoire. Histoire qui finalement leur redonne vie. Il est tout aussi émouvant d’observer les atours de personnages historiques, généralement riches et puissants, que les nippes des gens du peuple abondamment rapiécés. En effet, un autre intérêt de cette exposition est de voir juxtaposés habits de riches et de pauvres, tissus précieux et grossiers.

Outil de représentation chez les uns, simplement utilitaire chez les autres, le vêtement conserve un peu du vécu de celle ou celui que les a portés et de fait, la première partie renvoie à la notion de reliques et donc à l’émotion suscitée par les habits laissés en héritage. La part d’affect est à géométrie variable mais même pour un robespierriste pur et dur il doit être difficile de rester insensible devant les petits vêtements de Louis XVII sans avoir à l’esprit son corps d’enfant supplicié. A côté, le corsage de Marie Antoinette en taffetas de soie (ci-dessus, vers 1785) donne un léger sentiment d’indiscrétion.

Qui dit vêtement dit mode, et on en suit l’évolution. Le goût pour l’antiquité durant la Révolution et l’Empire a libéré le corps des femmes du carcan des corsets, et l’on a pour exemple une délicieuse robe portée par Joséphine en 1805, en mousseline de coton brodé blanche. Ceci à la barbe de son impérial mari qui interdisait cette étoffe, importée des Indes anglaises… La robe est si étroite que l’on s’interroge sur la maigreur de Joséphine, arbitre des élégances, chargée de promouvoir le savoir faire français (l’inventaire de 1809 indique 676 robes) mais qui fait penser aux mannequins anorexiques d’aujourd’hui. En attendant les femmes reprendront des formes réelles ou structurées par des artifices pendant tout le XIXe siècle avant de les reperdre au début du XXe, avant de … En revanche le goût pour le voile et la dentelle de coton, blanc ou écru, est une constante. Ce tissu vaporeux et délicat se retrouve en tea-gown (robe d’intérieur, vers 1898) chez la comédienne Réjane, taillé par Chanel vers 1930 pour Anna Gould et en 1969 par Yves Saint-Laurent pour Catherine Deneuve dans le film La sirène du Mississipi (robe très raccourcie par rapport aux précédentes).

Ensemble ayant appartenu à Louis XVII, vers 1792
Collection Palais Galliera – © P. Ladet et C. Pignol / Galliera / Roger-Viollet

Qui a vu le film des Misérables en noir et blanc peut ignorer que le costume des forçats était rouge vif. Le pantalon de celui présenté ici est en fait un costume de scène. On apprend que le vrai s’ouvrait sur le côté pour pouvoir être enfilé avec les chaînes et ainsi ne pas perdre de temps le matin pour aller casser les cailloux. A ses côtés, parade un gilet à manches du prince de Ligne à broderies d’or et de soies polychrome (vers 1750), qui semble assez rigide. Un autre monde mais très coloré aussi. Si les vêtements de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie semblent neufs, ceux des travailleurs sont usés jusqu’à la trame. Comme ces deux jupes (fin XVIIIe-début XIXe) en sergé de laines, simplement cousues à la taille et amples pour permettre la liberté de mouvements. Et surtout rapiécées inlassablement. Confrontées aux robes à crinolines du XIXe, elles montrent bien la dimension sociale du vêtement et les différences radicales entre les classes pour se vêtir, entre besoin et représentation. Il faudra attendre la deuxième partie du XXe siècle, pour assister à la démocratisation de la mode.

Auparavant, ce sont les grandes maisons qui donnent le style. Le XXe siècle est surtout représenté ici par les créations des couturiers. Pas de production de tailleur de quartier ou de mère de famille. Travailleurs et travailleuses n’existent là que par leurs tabliers. L’exposition devient plus classique et même carrément proustienne. Le monde de la haute couture ne semble vivre que par et pour les stars, les marquises et les comtesses. Une partie, assez passionnante, est réservée aux étoiles du music hall et du théâtre de la Belle Epoque qui, contemporaines des premières grandes maisons de couture, se font les égéries des créateurs. De Réjane pour Doucet à Audrey Hepburn pour Givenchy, ces alliances seront fructueuses. Pour tout le siècle dernier, dés lors que l’auteur signe sa création, son nom domine, et l’esprit du couturier supplante le corps de la cliente. On s’attache davantage à la virtuosité de la coupe et la beauté des tissus qu’à la personnalité de ces clientes titrées mais pas toujours connues en dehors du Who’s who. Petit intermède comique : les chapeaux de la très myope princesse Murat toutes équipés de monocles.

Balenciaga, robe du soir portée par Lilian de Réthy, été 1968/Crêpe de soie imprimé au cadre de la maison Sache/Collection Palais Galliera – © Stéphane Piera / Galliera / Roger-Viollet

La dernière partie de l’exposition est consacrée aux dialogues des couturiers contemporains entre eux. Et là on tombe sur quelques morceaux de bravoure, prototypes de défilés, plaisants à regarder mais importables. Exit le corps. Et l’on finit sur un hommage à Sonia Rykiel, disparue l’année dernière.

Marie-Françoise Laborde

Jusqu’au 12 février

Photo d’ouverture: Corsage de la Reine Marie-Antoinette, vers 1780/Taffetas de soie. Collection Palais Galliera – © Stéphane Piera / Galliera / Roger-Viollet

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Une réponse à Des vêtements qui ont du corps

  1. olivier francoise dit :

    je souhaiterai envoyer une invitation et information pour une exposition qui se déroule à Montpellier
    comment dois je procéder ? pouvez vous m’envoyer l’adresse mail à
    francoise.olivier@umontpellier.fr

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