Votre réveillon de Noël s’est-il bien déroulé ? Avez-vous fait bonne pitance ? La dinde aux marrons est-elle passée sans encombre, après les huîtres, le saumon et le foie gras? La bûche ne fut-elle pas de trop ? Sans parler des friandises pour accompagner le café et des liqueurs… Le tout vous a-t-il laissé un sentiment de profonde satiété et de félicité céleste? Avez-vous remis cela pour le Nouvel An ou la crise de foie s’est-elle insidieusement glissée dans l’intervalle ? A moins que l’épidémie de grippe intestinale qui sévissait sur Paris fin décembre ne vous ait éloigné un temps des festivités prévues et conduit à un jeûne forcé, mais peut-être salvateur…
Les agapes de fin d’année sont l’occasion rêvée, pour qui n’aurait pas suivi d’études de médecine, de se plonger dans la lecture on ne peut plus sérieuse – comme son titre ne le laisse pas, par ailleurs, présager – d’un best-seller allemand vieux de bientôt deux ans : “Le charme discret de l’intestin” de Giulia Enders ( Actes Sud, 2015).
Écrit par une jeune doctorante en médecine âgée de vingt-cinq ans, passionnée de gastro-entérologie suite à une grave maladie de peau qu’elle réussit à soigner grâce à… un changement radical d’alimentation, cet ouvrage nous en dit long sur cette partie du corps aussi importante que le cœur ou le cerveau. Ses problèmes d’épiderme s’étant avérés avant tout intestinaux, la jeune fille décida d’en savoir plus sur cet organe mal aimé et d’en faire le sujet de sa thèse, puis d’un livre au succès que l’on sait. Ne négligeons pas, nous dit-elle, l’influence primordiale de l’intestin sur notre santé et notre bien-être. Une mauvaise digestion, sachez-le, peut également engendrer des problèmes psychologiques, voire des épisodes de dépression graves. Message reçu cinq sur cinq : ne sous-estimons pas notre intestin et choyons-le !
Après quelques petits rappels rudimentaires, mais indispensables – qui remontent, soyons honnête, à l’école primaire, autant dire à Mathusalem… – sur le chemin qu’effectuent les aliments dans notre corps avant de disparaître à tout jamais et le rôle joué par nos sens dans leur absorption ( les yeux qui ont contemplé l’appétissante dinde rôtie, le nez qui en a humé la savoureuse odeur, la bouche qui a englouti la première bouchée, puis les suivantes, et le passage obligé de ladite bouchée par le pharynx, l’œsophage, l’estomac, l’intestin grêle – avec ses sept mètres de long, c’est lui qui effectue la plus grande partie du travail de digestion, ne l’oublions pas et soyons lui en reconnaissant – et, pour finir, le gros intestin), l’auteur nous met en garde sur quelques ratés possibles. Quand on pense au travail de digestion que nécessite une simple bouchée, on n’ose imaginer sans terreur ce que représente celle d’un festin tout entier ! Cela donne le vertige…
Pleins feux donc sur la planète intestinale ! Après avoir lu cet ouvrage, le tube digestif n’aura plus aucun secret pour vous. L’auteur nous instruit également sur les diverses allergies, sensibilités et intolérances possibles au lactose, gluten, fructose etc. Elle nous éclaire, par ailleurs, sur ce petit peuple mystérieux que sont les bactéries, les bonnes comme les mauvaises. Ainsi apprenons-nous que la bactérie Helicobacter pylori, présente dans l’estomac de la moitié de l’humanité, donne une plus grande probabilité à ses porteurs d’être touchés d’un cancer de l’estomac, mais aussi un risque nettement moins grand de mourir d’un cancer des poumons ou d’un accident vasculaire cérébral. Libre à vous de juger si cette découverte est une bonne nouvelle ou non…
La moralité de cette histoire, afin de se maintenir en bonne santé, serait donc de favoriser les bonnes bactéries en consommant certains aliments tels les prébiotiques. Mais peut-être, comme l’auteur de ses lignes, n’avez-vous jamais entendu parler des prébiotiques ? Giulia Enders vient heureusement à notre secours page 326 en nous en citant quelques uns : artichaut, asperge, endive, banane verte, topinambour, ail, oignon, panais, salsifis, blé complet, seigle, avoine, poireau. Pour les plus ignorants, démunis qui plus est d’un imagier de maternelle, ces prébiotiques sont même illustrés à la page suivante.
Si vous êtes un lecteur assidu des Soirées de Paris – ce dont nous ne doutons pas –, vous n’aurez même pas besoin de googler le mot “ topinambour” puisque Philippe Bonnet nous l’a présenté dans sa chronique du 16 décembre “La diversion du topinambour” et, dans sa grande mansuétude, nous a même gratifié de deux recettes qui semblent facilement réalisables : la purée de topinambours et l’omelette aux topinambours. A vos fourneaux donc…
Ce livre comporte également un petit précis qui, par ailleurs, à l’époque de Molière, devait représenter tout le savoir de la médecine : un carnet scatologique des plus instructifs et illustré de façon on ne peut plus explicite. Rappelez-vous « Le Malade imaginaire » avec ses médecins qui examinent sans cesse les selles de leurs patients.
S’il n’est pas écrit dans la langue de Proust – ou plutôt de Goethe –, “Le charme discret de l’intestin” se lit avec plaisir. Giulia Enders s’exprime sans tabou, dans un style imagé à la portée de tous, d’où ce succès populaire non démenti depuis deux ans. Il est, par ailleurs, illustré avec humour par sa sœur Jill et, si l’on cherche de la poésie là où il n’y en a pas, les petits personnages naïfs de cette dernière ne sont pas sans rappeler les « Eugènes du Potomak » de Jean Cocteau.
Par conséquent, si vous voulez vivre en bonne intelligence avec votre ventre, nous vous recommandons la lecture de ce livre qui combine avec légèreté et humour – un tant soit peu scatologique, mais n’est-ce pas justement le propos ? – tout à la fois les connaissances scientifiques et les bonnes pratiques alimentaires. Et puis, soyons honnête, qui aurait envie de lire un essai rébarbatif sur le sujet ? Autant s’abonner à une revue scientifique sur la gastro-entérologie… Allez, toute nouvelle année s’accompagnant de ses bonnes résolutions, vous reprendrez bien une petite endive à l’avoine ?
Isabelle Fauvel
“Le charme discret de l’intestin” de Giulia Enders, Actes Sud, Avril 2015
Dans un petit accès de nostalgie, on peut aussi retrouver l' »Histoire d’une bouchée de pain » de Jean Macé, publiée par Hetzel en 1860 (?) et illustrée de façon ravissante par Lorenz Froelich grâce à la bibliothèque numérique Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k200966h
Eh bien franchement, moi qui souffre comme des millions de gens de « colopathie fonctionnelle » (intestins chroniquement spasmés car toujours en révolte contre je ne sais quoi ) je n’ai trouvé dans ce livre aucune piste nouvelle. L’étonnant est qu’il soit devenu un best seller, mais cela prouve simplement que beaucoup de gens disposent d’un « deuxième cerveau », comme on l’appelle, bien rebelle…
Cependant, la belle Giulia évoque certaines recherches encore très expérimentales sur la possibilité de soigner certaines maladies à partir de l’intestin… mais le commun des mortels continuera à tenter de calmer en vain son deuxième cerveau si rebelle…
N’y avait-il pas un film avec Romy Schneider qui s’intitulait « Sissi face à son intestin » ?
Mais je n’en suis pas sûr… Ah… non, c’était « Le fabuleux intestin d’Amélie Poulain »!
Quoi qu’en lisant Lise, à qui je souhaite une année intestinale heureuse, j’ai l’impression qu’elle pourrait elle aussi être l’héroïne d’un beau film en cinémascoloscopie.