Quand j’aime une « série télé », comme on dit, je deviens rapidement droguée tant je suis impatiente de voir l’épisode suivant. Et je considère qu’une bonne (ou grande) série TV peut être aussi remarquable qu’un bon (ou grand) film.
Après leur diffusion, je ne manque pas d’en acheter les épisodes en DVD, au fur et à mesure de leur parution, ou lorsqu’ils sont publiés en coffret. Mais seulement pour mes séries préférées, bien sûr, or la période des fêtes nous propose quantité de coffrets de séries couvrant une large période, des grands classiques des années 1970 ou 1980, jusqu’aux plus récentes.
Même si j’ai succombé à l’époque au culte planétaire de « Colombo », notre cher Peter Falk bizarrement vêtu d’un imperméable sous le soleil de Los Angeles, j’ai toujours eu un faible pour les séries anglaises, tels ces grands classiques que sont les « Sherlock Holmes » produits dans les années 80 par Granada TV avec le très racé Jeremy Brett (acteur shakespearien), ou les « Poirot » interprétés par l’inénarrable et indépassable David Suchet (lui aussi acteur shakespearien). Ces immortels héros ayant été suivis dans les années 90 par « Inspecteur Morse », alias John Thaw (acteur… shakespearien of course), un inspecteur selon mon cœur, fou d’Oxford, de poésie et d’opéra.
Intriguée par la qualité des séries anglaises, comparée notamment à la médiocrité des nôtres, je m’étais d’ailleurs rendue en reportage à Londres dans les années 1990 pour en percer les mystères, et j’en avais découvert la raison essentielle: outre-Manche, il n’y avait pas de fossé culturel entre la télévision et les autres formes de création, c’est-à-dire que depuis le début, les meilleurs écrivains, les meilleurs dramaturges, les meilleurs acteurs ne se croyaient pas déshonorés s’ils travaillaient pour la télé. Et les producteurs n’avaient garde d’oublier la prééminence du scénario, aussi essentielle sur le petit que sur le grand écran. Disposer d’acteurs rompus à Shakespeare ne devant pas non plus nuire à la qualité. Ne dit-on pas que lorsqu’on peut jouer Shakespeare, on peut tout jouer ?
Comme tous les anglophiles de par le monde, j’ai bien sûr été captivée depuis 2011 par la vie de château menée par les maîtres et les domestiques de « Downton Abbey », somptueuse propriété du Yorkshire sur laquelle veillait le débonnaire septième comte de Grantham. Mais pour lui comme pour tous les autres membres de la famille, domestiques inclus, la grande question était d’affronter les bouleversements de la société au lendemain du naufrage du Titanic. On se souvient de la formule du prince Salina dans « Le guépard » de Lampedusa (magnifiquement incarné au cinéma sous les traits de Burt Lancaster par la volonté de Visconti) : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
En Sicile dès le milieu du XIXème siècle comme à Downton Abbey dans les années 1910 et 1920, il s’agit bien de savoir comment les aristocrates vont s’adapter aux temps nouveaux, comme le relate l’auteur unique de la série, sir Jullian Fellowes, grand spécialiste du sujet déjà traité dans le savoureux « Gosford Park » (2001) de Robert Altman, puis à travers ses livres (voir « Avec le « Passé imparfait », Julian Fellowes défie le roman de gare »). Sur le grand comme sur le petit écran, le personnage le plus savoureux est incarné par la merveilleuse Maggie Smith approchant maintenant les 80 ans (rompue autrefois à Shakespeare !). Quel talent possède la comtesse douairière Violet Crawley pour voler la vedette avec ses implacables rosseries dans cette série couverte de récompenses!
Les Anglais se montrent également très forts dans un tout autre genre, la satire politique, dans la minisérie de la BBC « House of cards ». Ne croyez pas tout connaître des mœurs des politiciens avant de voir jusqu’où peut aller le député conservateur Francis Urquhart (redoutable Jan Richardson ) pour se venger du premier ministre qu’il a aidé à faire élire… Ecrite par un ancien conseiller de Margaret Thatcher et diffusée dans les années 1990 en Angleterre, elle a été adaptée à la sauce américaine en conservant le même titre, avec l’impeccable Kevin Spacey dans le rôle de Frank Underwood et sa lady Macbeth d’épouse alias Robin Wright. Démarrage en 2013, quatre saisons et une cinquième en préparation.
Et bien sûr il y a « Sherlock », Sherlock ou l’éternel retour, l’immortel Sherlock Holmes, le personnage le plus souvent adapté au cinéma ou à la télévision. Cette fois,
un acteur (Mark Gatiss) et un producteur (Steven Moffat) anglais se disent un beau jour « A nous de créer une série sur la jeunesse de Sherlock Holmes avant que quelqu’un d’autre ne le fasse ! ». Et les voilà qui imaginent la rencontre du jeune Sherlock Holmes de vingt ans avec le jeune médecin militaire John Watson tout juste revenu de la guerre d’Afghanistan, donc plongés dans le monde actuel et utilisant bien sûr de façon virtuose les dernières technologies. Les deux créateurs de la série recourant eux-mêmes aux effets spéciaux les plus modernes, y compris pour nous montrer comment fonctionne, de l’intérieur, l’incroyable cerveau du phénomène!
Les épisodes (trois par saison) combinent plusieurs aventures de sir Arthur Conan Doyle transposées dans un contexte contemporain, et puis il y a Benedict Cumberbatch (« Parade’s End », « Imitation Game ») dans la peau du héros, un Sherlock si ébouriffant, si convaincant, qu’il a fait le tour du monde en trois épisodes diffusés à partir de 2011. Pour faire patienter les fans du monde entier en attendant la saison 4 (promise l’an prochain), nous avons eu droit, pour Noël dernier, à un épisode spécial, « L’effroyable mariée », situé cette fois dans l’Angleterre victorienne. Mais l’attente est quasi intenable…
Les Yankees eux aussi savent nous plonger dans le passé, en l’occurrence dans le New York du début du XXème siècle dans la minisérie « The Nick ». Magnifique reconstitution et excellente idée d’avoir choisi pour réalisateur le sulfureux Steven Soderbergh (« Sexe, mensonges et vidéo », Ocean’s Eleven », « The informant ! », « Traffic ») pour raconter l’histoire vraie de cet hôpital newyorkais d’avant-garde, the Knickerbocker Hospital, dit The Knick. En partie inspiré d’un vrai chirurgien qui tenta au début du siècle de moderniser la chirugie, le héros John Thakeray, sûrement plus haut en couleurs que son modèle, est incarné par le vibrant acteur anglais Clive Owen. Les mains gantées de caoutchouc dégoulinant de sang, il opère ses patients devant la galerie comme c’était l’usage, mais ne prend pas de gants pour secouer les archaïsmes en tous genres du lieu et de l’époque, quitte à s’administrer une petite dose de cocaïne le cas échéant. Une minisérie provocante en deux épisodes, on attend la suite.
Retour chez les Anglais pour la dernière série à succès, « Peaky Blinders », le nom d’un (vrai) gang sévissant à Birmingham dans les années 1920. Le jeune Thomas Shelby, fraîchement revenu décoré des atrocités de la première guerre sur le front français, décide de transformer la petite entreprise de méfaits familiaux en véritable gang, et rien ne l’arrête dans son ascension de « parrain » en devenir. On lui a donné les traits fascinants de l’acteur irlandais Cillian Murphy (connu notamment pour ses rôles dans « Le vent se lève » ou « Inception », comme pratiquement tous les comédiens anglais il a pratiqué à la fois la scène et Shakespeare comme le grand ou le petit écran) : coiffure punk avec crête et crâne rasé sur les côtés, hautes pommettes, large bouche sensuelle et regard bleu glaçant, bref beaucoup de charme et d’autant plus inquiétant.
On croyait tout connaître de ce genre de milieu mafieux, et pourtant cette série à la violence stylisée et aux sombres intérieurs d’acajou et de velours rouge renouvelle le genre, sur fond de rivalités sanglantes avec les gangs italien ou juif, sans compter de puissants ennemis politiques et la mystérieuse protection de Winston Churchill.
S’appuyant notamment sur son frère fou furieux et sa tante de fer pour étendre son emprise jusqu’à Londres, « Tommy » a deux faiblesses (ou deux forces ?) : sa jument grise, « Grace Secret », qu’il fait courir à Epsom pour la qualifier, et son ancien amour de jeunesse Grace, qui refait son apparition à la fin de la deuxième saison. Bande son signée notamment Nick Cave.
Arte vient de diffuser les deux premiers épisodes, la BBC en a diffusé trois, et les deux suivants sont en préparation.
Enfin, la semaine dernière, j’ai découvert une série française sur Arte, moi qui ne m’intéresse jamais aux séries françaises tant elles me paraissent pâlichonnes et mal ficelées. Je dois l’avouer, la caution d’Arte m’a incité à regarder les trois premiers épisodes de « Cannabis » (en partie sur Arte replay, qui programmait également trois épisodes de « Peaky Blinders »), histoire plutôt sophistiquée sur le trafic de cannabis entre une cité de banlieue française, le Maroc et la côte andalouse. Le scénario se tient, et surtout les méchants sont séduisants et complexes. A suivre chaque jeudi sur Arte, ou à revoir sur Arte replay.
Toutes ces séries sont proposées en DVD ou en coffret. Tout comme les deux saisons mythiques de « Twin Peaks », dont David Lynch annonce la saison 3 l’année prochaine, 27 ans après l’année de création.
Lise Bloch-Morhange
Ah ! Lise !
Les séries, c’est l’opium du peuple !!!
Ils vous ont eu, comme les autres…
On regarde des séries et pendant ce (long) temps-là, on ne se bat pas pour les combats qui tiennent à coeur… et les Serres sont détruites !!!
Le nouvel impérialisme ne prendrait-il pas la forme de l’addiction aux séries ?
1984 ne serait-il pas dans Games of thrones et cie ?
Ah cher Philippe! Vous êtes dur avec moi! Comment vous persuader que je n’ai pas négligé mes chères Serres d’Auteuil, même au profit de tous ces si séduisants méchants que sont Sherlock, Franck Underwood ou Tommy Shelby?
A propos, ce ne sont pas les séries qui sont l’opium du peuple du XXIème siècle, mais tous ces méga stades de soit disant sport qui peuplent la planète et ne sont que des machines à fric planétaires!!!!!!!!!!!
Entièrement d’accord !
J’approuve tous vos points d’interrogation !
Voilà qui est fort alléchant et j’irai y voir!
A signaler aussi pour son côté délicieusement « vintage », la série « Alfred Hitckock présente ». Non seulement les 20 épisodes que le maître signa lui-même (5 DVD) mais encore les trois saisons qu’il supervisa et qui sont désormais disponibles en 6 coffrets (30 DVD). Ils réservent de belles surprises.
Je partage avec toi ce goût pour les séries que tu sites qui ne sont pas débilitantes du tout et au contraire font référence à des faits de sociétés
En revanche pourquoi faut il toujours que tu dénigres ce qui est français,les séries françaises sont maintenant au niveau et tu as oublié BORGEN