Elle est habillée d’un ensemble de marque La Perla, sa veste vaut 1055 euros et le pantalon 528 euros. Dessous, elle porte un body à 840 euros. Et si on ajoute les boucles d’oreilles en or 18 carats à 350 euros, la voilà habillée pour au moins une journée de l’automne-hiver 2016, moyennant un chèque global de 2773 euros sauf erreur. Rien de choquant en soi puisque cette photo est issue du dernier catalogue du Bon Marché, l’un des symboles du luxe parisien. Non, ce qui frappe, ce sont les gants de boxe.
Il est quand même étonnant, du moins vu de la France, que l’on persiste encore dans les revues et publicités de mode à faire passer les femmes pour des marionnettes tout juste bonnes à des fous-rires dans les moments de gêne. Même si l’on peut supposer qu’en la matière la pratique du second degré, dans une sorte « de funny shooting », est une habitude bien ancrée, il reste que sur plusieurs pages, la dernière partie de ce catalogue automne-hiver 2016, peut apparaître comme singulièrement désobligeante pour l’image de la femme et de son intelligence.
C’est de surcroît le terme « visionnaire » qui ouvre les pages concernées sans que ce terme soit on l’espère prémonitoire pour les femmes. Le sous-titre s’intitule sans rire « intuitions choisies ». Donc voilà ce mannequin sous l’emprise d’injonctions créatives l’obligeant à prendre toute une série de poses avec des gants de boxe, une paire d’haltères, une corde à sauter, une raquette pour bien mettre en valeur une composition vestimentaire pourtant tout sauf pratique pour jouer au tennis ou au squash et la voici encore, au côté d’un très gros ballon juchée sur des escarpins « façon python » (1095 euros) dont la hauteur des talons lui permettrait aisément de surveiller un troupeau de moutons landais. On ne sait pas davantage pourquoi, elle pose par ailleurs et la plupart du temps à côté d’une grand-mère en survêtement rouge: l’objet du contraste est obscur. Enfin seule on la voit simuler un geste de self-défense un brin pathétique où il lui a semble-t-il a été demandé en outre, de froncer les sourcils pour mimer un début de rébellion.
Ce catalogue, auquel participent également des chiens et au moins un chat, laisse beaucoup à penser à l’heure où les valeurs humanistes ont tendance à se déliter, pays par pays, élections après élections. Le message général qui en exfiltre, à l’ère de Donald Trump et consorts, est décourageant.
On sait très bien faire des photos de mode qui n’insultent pas forcément l’intelligence féminine, y compris esthétiques, élégantes, drôles, extravagantes, allumées voire déviantes ou décadentes. Tout ce que ne sont pas ces « intuitions choisies » que Le Bon Marché Rive Gauche a cru bon de laisser passer en dernière partie de son luxueux catalogue. Lequel s’ouvre quand même en première page avec une jeune femme en manteau scrutant à la jumelle depuis l’intérieur du magasin on ne sait quel horizon. Il y a des jours ainsi où ça ne passe pas.
PHB
NB: Nous avons contacté la direction du Bon Marché à propos de ce catalogue, laquelle a bien voulu nous adresser ce message: « Nous avons souhaité mettre en scène la mode sport qui est une tendance forte aujourd’hui et ces produits sont proposés à nos clients dans notre magasin. Le mot visionnaire fait partie d’un jeu de mots qui court dans le catalogue … autour du mot « voir » ou plus exactement celui de notre slogan publicitaire « vu au Bon marché ». « L’approche de ce reportage se veut ludique tout simplement ».
Merci, cher Philippe, de défendre l’intelligence féminine !
L’image de la femme ? Un catalogue ? Qui est dupe ? Probablement des gens qui auraient voté pour Hillary. Dieu merci, elle retourne dans ses foyers (pauvre Bill). La réponse du BHV est pertinente ; l’image de Simone Weil, Marie Curie, Alexandra David-Néel et (là il faut oser) Ivanka Trump n’en sera pas altérée…
???
Merci, et merci, cher Monsieur.
En cet automne 2016 dont l’actualité me trouble profondément, vous lire me réchauffe le coeur, et l’âme.
Une femme de 40 ans
PS : Et il me vient cet idée malicieuse :
« Quand je me glace, Bonnet me réchauffe,
Il faut dire que je suis très sensible de la tête! » Hi, hi, hi