Si vous envisagez de visiter la dernière exposition du Musée de Flandre, au sommet du mont Cassel, dans la ville française flamande qui porte le même nom, prévoyez d’y rester un bon moment. Non que le nombre des œuvres présentées soit important (une centaine au total, ce n’est pas excessif) , mais chacune d’entre elles, pour une raison ou une autre, retiendra votre attention. C’est que le thème choisi, « Les peintres animaliers flamands du XVIIe siècle », réserve de belles surprises et offre une série de variations qui débordent largement le seul domaine de l’art.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sujet, très porteur, n’avait jamais jusqu’alors fait l’objet d’une exposition thématique. En réunissant les œuvres caractéristiques des peintres très connus (Brueghel de Velours, Rubens) et d’autres, moins célébrés (Jan Fyt, Peeter Boel), le musée de Flandre ouvre toute grande une porte qui n’avait été jusqu’alors qu’entrebâillée. Dans la plupart des cas, la palette est chatoyante, la précision extrême et le regard s’accroche à tel ou tel détail ; parfois ce même détail justifie à lui seul tout le tableau.
Considéré comme le premier peintre animalier, Roelandt Savery (1576-1639) est l’auteur de féeriques paradis terrestres et de chatoyantes illustrations du mythe d’Orphée. Les oiseaux sont familiers ou exotiques, mais tous vivent en parfaite harmonie. Particularité notoire : on y découvrira le mythique dodo (photo ci-dessus), espèce aujourd’hui totalement disparue de la planète. Ce gros oiseau un peu pataud au bec crochu, qui ne volait pas, avait été découvert en 1581. Il en existait un à la cour de Rodolphe à Prague, et c’est peut être celui là qui servit de modèle à Savery. L’oiseau disparut à tout jamais quelques décennies plus tard.
Peintre virtuose très intéressé par le paradis terrestre et par l’Arche de Noé, Jan Brueghel l’Ancien (Brueghel de velours) est pourtant principalement connu pour ses bouquets de fleurs très chargés, très décoratifs. Sa représentation des créatures animales se caractérise par sa précision scientifique : on sait que les peintres de l’époque n’étaient pas seulement de remarquables artisans, d’incomparables techniciens , mais ils étaient aussi des gens de connaissances, des «doctus pictor».
Petit fils de Brueghel de velours (l’art est souvent, en ces temps là , affaire de famille) Jan van Kassel (1626-1679) a une prédilection pour les oiseaux, les insectes et même les coquillages. Là encore on notera une extrême précision digne d’un véritable entomologiste.
Ami de Rubens et de Brueghel l’ancien, proche du mécène Borromeo (le iles Borromées, sur le Lac Majeur, c’est de la famille) Frans Snyders offre de luxuriantes scènes de marché, ou les étals débordent de fruits, de légumes, de gibiers, de poissons. Nous sommes dans la Flandre éternelle, pays de la bonne chère et de la fête joyeuse.
Formé dans l’atelier de Snyders, Jan Fyt (1611-1661) que l’on considère parfois comme le peintre animalier le plus moderne de son temps, n’a pas la réputation qu’il mérite. C’est en tout cas l’avis de la conservatrice Sandrine Vézilier-Dussart qui le défend bec et ongles, ce qui s’impose ici.
Lui aussi trop peu connu, Paul de Vos (1591-1678) est un maître dans la représentation du combat animal ou des scènes de chasse, souvent sur des toiles d’un format imposant. Rubens lui confia la réalisation de plusieurs panneaux pour le pavillon de chasse Torre de la Parada, en Espagne, dans les environs de Madrid.
Dans la lignée de Jan Fyt, Peter Boel (1622-1674) a effectué un voyage en Italie avant de revenir à Anvers puis de s’établir définitivement à Paris où il travailla aux Gobelins pour Louis XIV (Il transformera d’ailleurs son nom d’origine en “Boule“) Il réalisa plus de 400 croquis et peignit 86 peintures en observant les animaux de la ménagerie de Versailles. Comme autres, il est soucieux du détail, et son art s’exercera sur toutes sortes d’animaux, à plumes ou à poils, domestiques mais aussi exotiques.
La présence du géant Rubens était indispensable : c’est une esquisse d’un « Cheval blanc cabré avec un cavalier »qui remplit l’office. Mais en réalité il se pourrait que, parmi tous ces chefs-d’œuvre, la pièce la plus admirée et la plus convoitée par le visiteur soit le très chatoyant « Concert des oiseaux » de Frans Snyder. Cette toile séduisante, qui reprend avec une extraordinaire maestria un thème bien connu, a quitté un musée du Cap (Afrique du sud) pour rejoindre les brumes flamandes et retrouver l’Europe pour la première fois, après une migration de trois siècles et 9.000 kilomètres.
Gérard Goutierre
Musée de Flandre, 59670 Cassel (40 mn de Lille) jusqu’au 22 janvier 2017.
Honte à moi, je ne savais pas qu’il y une Flandre française… je croyais la Flandre en Flandre, c’est-à-dire en Belgique…
Mais j’ai toujours été fascinée par la manière à la fois rigoureuse et irréelle avec laquelle les peintres flamands ou hollandais représentent les animaux.
alors merci Gérard!