La loi de la jungle embrouille les normes

Affiche de La loi de la jungleLe film bien étrange que vient de nous livrer Antonin Peretjatko est une révolte ubuesque face aux normes européennes qui nous accablent. « Hors-normes » comme l’un des mots de la fin, il a réussi à décider un couple de spectateurs à quitter la salle du MK2 Bastille précipitamment, provoquant une sorte de flottement chez les autres qui devaient déjà plus ou moins penser à prendre la porte, phénomène plutôt en vogue. Erreur.

Car les partisans du « remain » ont en l’occurrence bien fait de s’accrocher aux basques de Châtaigne (Vincent Macaigne) et de Tarzan (Vimala Pons). Avec eux le réalisateur a décroché le bon casting. Ils sont parfaits de loufoquerie dans ce film d’aventure moderne finalement réjouissant qui s’amuse à brouiller les codes.

Il raconte l’histoire d’un monde pas si éloigné de nous ou les trentenaires sont tous stagiaires. Comme le dit en substance le film, « sous Napoléon la plupart des généraux avaient vingt sept ans, aujourd’hui ce sont les stagiaires qui dirigent le monde ». Châtaigne est envoyé par le Ministère de la Norme en Guyane afin tout à la fois de jeter les bases d’une station de ski « indoor » et de valider ce faisant son ultime stage qui ne sera heureusement pas le dernier, la fin nous dira pourquoi. Sur place, il doit faire équipe dans la jungle avec Tarzan, la drôle et séduisante Vimala Pons que l’on ne connaissait pas du tout il y a peu et que l’on voit désormais partout, notamment dans le fameux « Comme un avion » de Bruno Podalydès.

Vimala Pons dans "La loi de la jungle"

Vimala Pons dans « La loi de la jungle »

La loi de la jungle est un film dérangé qui s’interdit peu de choses. Côté loufoquerie il y a cette scène où des hurluberlus ouvrent le crâne d’un ingénieur d’affaires pour déguster sa cervelle à la cuillère. Comme les voilà dérangés dans leur dégustation, Châtaigne et Tarzan tentent une remise à niveau de la boîte crânienne du malheureux en la remplissant de fromage blanc. Ajoutons une séquence chaleur lorsque nos deux amis ingurgitent à leur insu trop de boisson aphrodisiaque: l’excès ne les conduit pas forcément à ce que l’on pourrait supposer, encore que. Mais sous haute tension hormonale voilà Châtaigne qui s’assoit devant une machine à écrire en s’écriant « Il faut que je tape un rapport, j’ai une pulsion ! ».

Dans la jungle équinoxiale il faut s’attendre à tout. Dans le film de Antonin Peretjatko, c’est pareil. Au milieu de toutes les péripéties burlesques et même un brin surréalistes, il nous a ménagé quelques instants de calme, romantiques, avec une musique qui nous rappellerait presque « Mort à Venise ». C’est assez déconcertant mais finalement bienvenu, comme un cocktail à plusieurs étages superposant sucré, salé et matière hallucinogène.

Vincent Macaigne et Vimala Pons ont dû bien s’amuser au milieu de toutes ces araignées et serpents, vers et chenilles phosphorescents jouant qui du jazz qui de l’accordéon, animaux finalement bien innocents à côté d’autres personnages joués par Jean-Luc Bideau ou encore Mathieu Almaric, représentants d’un monde dingo qui fait sous lui.

On adopte sans problème cette morale dont on nous fait assez bien la démonstration selon laquelle s’il faut que l’on s’émancipe de nouveau un jour, ce sera en stage dans des zones de non droit. Ce film, il faudrait le revoir avant de l’avoir vu, mais il paraît que c’est impossible.

PHB

 

Vincent Macaigne et Vimala Pons dans "La loi de la jungle".

Vincent Macaigne et Vimala Pons. « La loi de la jungle ».

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Une réponse à La loi de la jungle embrouille les normes

  1. philippe person dit :

    Quand est-ce que Vincent Macaigne se lavera enfin les cheveux ?
    Le pratiquant quasi hebdomadairement au cinéma, et deux ou trois fois par an au théâtre, c’est une question récurrente que je me pose (pléonasme).
    Jadis, avant d’épouser un des casqués de Daft Punk, on se posait la même question avec Élodie Bouchez…
    Au moins Vimala Pons qui se dénude de plus en plus a les cheveux propres…
    Cher Philippe, je vous sens supporter… Je vous invite à voir ou revoir « Vincent n’a pas d’écaillles » où elle était magnifique… comme le film
    Quant à Peretjako, ce deuxième long est moins irritant que son premier, « la fille du quatorze juillet » (avec presque le même casting).
    Dire aussi que la Guyane est bien filmée et que les acteurs ont payé de leurs personnes en jouant dans la boue, la gadoue, la jungle… Nanar épique dénonçant le chômage des jeunes (eh oui… c’est ça la loi de la jungle !) et le monde des stagiaires embourbés dans la précarité, « La Loi de la jungle » rappelle (parfois)(aussi) « L’homme de Rio » ou « Le Sauvage »… Ce « (parfois) » est déjà un bon signe !

    Question Guyane, je vous recommande aussi un film sorti l’an passé, « La vie pure » de Jérémy Banster qui relatait le tragique destin de Raymond Maufrais (lire son magnifique Journal, « Aventures en Guyane », Le Seuil Poche).

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