A peine les feux du festival de Cannes sont-ils éteints que c’est au tour de Mougins de faire briller les étoiles.
Pendant 3 jours, c’est la fête de la gastronomie. Ils sont tous venus, heureux de se retrouver pour ce rendez-vous devenu incontournable au fil des 10 éditions passées : plus de 130 chefs venus de France et du monde entier (Italie, Brésil, Maroc, Grèce, Suisse, Liban, Portugal, Angleterre..). Mougins (20 000 habitants) a accueilli avec l’aide d’une centaine de bénévoles et grâce à une organisation bien rodée, 25 000 visiteurs les 10,11, et 12 juin dernier.
Pendant ces 3 jours la ville où a officié en son temps le célébrissime Roger Vergé et labellisée « Ville et métiers d’art au titre de la gastronomie », se transforme en ruche : partout, nichés dans les ruelles et les placettes du vieux bourg, des cours et des démonstrations de cuisine, des concours, des débats, des animations.
Car Mougins c’est aussi le show : Thierry Marx et Raphaël Haumont (photo ci-dessus ©MPS) jouent les apprentis sorciers et s’amusent à casser les codes de la cuisine. Avec de l’azote liquide ou la cuisson sous vide ou par le froid, ils réalisent en « live » une confiture sans sucre ou une mousse au chocolat 100% chocolat (sans œufs). Ils ne font rien moins que d’inventer la cuisine et la diététique de demain, celle qui va réconcilier la science et la cuisine. Et demain, c’est bientôt : sur un stand proche, le cuisiniste Miele présente sa nouveauté : le tiroir de mise sous vide qui multiplie par 3 le temps de conservation des aliments (jusqu’à 21 jours) tout en conservant et en exhalant les saveurs. Bye bye,mon congélateur !
La cuisine de rue est elle aussi un incontournable du festival: Autour de la scène musicale du « Live bistrot », parmi les food trucks, Sophie réinvente les petits farcis niçois en version salée ou sucrée et Serge Payant crée le burger à la sauce provençale, le bien nommé « Payantou ». Plus loin parmi les exposants, les hongrois Andrea et Szolt nous font découvrir leur Kurtos Kalacs, un drôle de gâteau en forme de cheminée (qui est creux: c’est comme un pain sans la mie) et parfumé à la cannelle.
Les chevaliers de la Méduse revendiquent le titre de « plus ancienne confrérie bachique » (créé en 1690) et dont chaque initié doit être « libre et de bonnes mœurs, point médisant, ni blasphémateur, ni ivrogne« . Un programme auquel on ne peut qu’adhérer.
Jacotte Brazier est là et défend les femmes dans ce monde d’hommes. Pourquoi les femmes pratiquent la cuisine du quotidien et sont si peu présentes parmi les chefs ? Sans doute parce qu’elles ne savent pas se mettre en avant et communiquer comme les hommes. Elles se dirigent plus volontiers vers les métiers de la pâtisserie -moins médiatisés- qui demandent plus de précision et de raffinement, des qualités supposées féminines(?). La petite fille de la grande Eugènie a développé grâce à son association, des bourses destinées à accompagner les jeunes filles pendant leur scolarité en lycée professionnel. Elle a aussi créé le prix du livre de cuisine écrit par des femmes. Merci pour elles, Jacotte.
Le clou du spectacle est pour la fin. Le dimanche en fin d’après midi, au théâtre des chefs, « les toques brûlées » se déchaînent et enchantent leur public et leurs papilles. Cette émulation stimule et ils donnent tous le meilleur d’eux mêmes tant sur scène que dans l’assiette.
Mais au delà du show et de l’ambiance festive et ensoleillée, ce qui fait le « sel » du festival, c’est qu’il porte des valeurs que nous aimons tous: Ces métiers qui sont dans la compétition et la recherche de l’excellence -Il y a eu pas moins de 4 compétitions sur le Festival- sont aussi les métiers du partage, de la générosité et de création de lien social. C’est aussi l’importance donné à la transmission des techniques mais aussi des valeurs. Comme l’a rappellé Thierry Marx, invité d’honneur de cette onzième édition, « partout dans toutes les cuisines du monde, on trouve un livre de cuisine français traduit » et parions que le festival contribue sans aucun doute à ce rayonnement sans égal de la cuisine et de la gastronomie française.
Le livre « Mougins en secrets » sorti à l’occasion du Festival et à l’initiative de la mairie nous rappelle l’histoire à nulle autre pareille de Roger Vergé qui a fait d’un ancien moulin à huile le premier établissement 5 fois étoilé de France.Il sera choisi par l’Amfar et Sharon Stone en 1994 pour son célèbre gala de bienfaisance. Le créateur du « poupeton » une fleur de courgette farcie au champignon, poulet et truffe, a contribué à faire de Mougins le rendez vous du Gotha et des célébrités. Mougins est aussi aussi le lieu de vie qu’a choisi Picasso. Il résidera d’abord à Vaste Horizon puis à à Notre Dame de Vie jusqu’à sa mort en 1973. Un séjour dont il ne reste que les photos d’André Villers ou David Douglas Duncan présentées dans le joli musée de la photographie.
De l’arrivée du mécène anglais Chris Levett et son étonnant musée d’art classique (MACM) qui mélange anciens et modernes, au tristement célèbre « Omar m’a tuer », ce sont les petites et grandes histoire d’un village perché que nous raconte avec sa verve François Rosso.
Marie-Pierre Sensey
« Les Etoiles de Mougins ». Prochaine édition 23/24/25 juin 2017
« Mougins en secrets » …raconté par François Rosso. Editions Mougins côte d’Azur.
Mmmm… Voilà qui met en appétit !