De sa fréquentation du bordel de Beauvais en 1918, Jean Hugo a tiré une jolie aquarelle. La modernité du trait, l’usage nuancé de la couleur, l’intimité de la scène et son cadrage, démontrent un talent maîtrisé. L’arrière-petit-fils de Victor Hugo a aussi il vrai, fréquenté l’élite artistique de son époque, de Max Jacob à Picasso en passant par Erik Satie ou Jean Cocteau. Peintre, décorateur, illustrateur et écrivain, il tenait peut-être un peu de son illustre ancêtre. C’est le point d’interrogation qui coiffe la branche créatrice de la progéniture de Victor Hugo, actuellement exposée dans la maison de l’auteur des « Contemplations », place des Vosges.
Ce n’est pas moins de cinq générations artistes qui nous sont présentées. Des arbres généalogiques matérialisés de différentes façons permettent de s’y retrouver ainsi qu’une version « interactive », donc dématérialisée, que nous n’avons pas testée. Certains « Hugo » sont toujours vivants , encore jeunes, comme Marie et Jean-Baptiste Hugo. L’une est peintre, l’autre est photographe.
La production des uns et des autres est inégale. A chacun d’y puiser du bonheur selon ses goûts. Certains se distinguent néanmoins de l’ensemble comme ce Jean qui finit par s’exiler de la capitale, nous est-on dit, en raison de sa foi. Il a été soldat durant les deux guerres et a fondé une famille de sept enfants après s’être marié avec une certaine Lauretta Hope-Nicholson en 1947.
Au hasard des découvertes, il y aussi les dessins de François-Victor Hugo (1828-1873) fils du grand homme et lui aussi écrivain, photographe etc. et par ailleurs traducteur des œuvres totales de Shakespeare en 18 volumes. L’une de ses caricatures représentant un homme et une femme n’est pas sans rappeler le style emprunté par Cocteau un peu plus tard. On ne manquera pas non plus les dessins de Valentine Hugo qui a notamment illustré un recueil de poésie d’Arthur Rimbaud en 1939 et un autre de Paul Eluard en 1944. Ajoutons pêle-mêle les pâles autant que sensibles dessins d’Adèle (l’épouse), Julie, Léopold-Armand…
Mais ce qui déroute un peu dans cette riche dynastie à l’affiche, c’est de tomber sur les deux contemporains que sont Marie et Jean-Baptiste. Victor Hugo c’est quand même loin mais par le fil familial, les télécommunications transitent toujours. Les photos de grand format de Jean-Baptiste ont l’avantage de nous montrer la maison de Guernesey de l’intérieur richement décorée avec son fameux « lookout ». C’est cette maison de l’exil qui a également inspiré les peintures de Marie Hugo.
Si Victor Hugo est bien le fil conducteur de cette affaire, la présentation est néanmoins hétéroclite. Les styles sont très variés. Une impression renforcée par l’exiguïté des lieux qui a obligé les scénographes à juxtaposer des œuvres qui ne se marient pas vraiment les unes avec les autres. Il faut approcher cette « famille d’artistes » ainsi que se nomme l’exposition, comme un marché de curiosités avec une mention spéciale, répétons-le, pour le travail de Jean Hugo.
PHB
« Une famille d’artistes ». Maison de Victor Hugo. 6 place des Vosges, 75004 Paris. Jusqu’au 18 septembre.
Merci d’avoir évoqué la peinture singulière de Jean Hugo qui est également un formidable mémorialiste du siècle dernier (2 volumes publiés chez Actes Sud).
Avec « Murmures pour Jean Hugo » paru il y a peu chez Albin Michel, Marie Rouanet a tracé un portrait sensible de l’artiste et de l’homme.