Pourquoi donc Françoise Hardy a-t-elle intitulé son autobiographie publiée en 2008 « Le désespoir des singes et autres bagatelles »? Elle y raconte sa vie, lucide et ironique comme toujours, évoque ses amours chaotiques avec Jacques et son amour absolu pour son fils Thomas, ne cache rien de sa lutte contre un lymphome de MALT diagnostiqué en 2001.
Tout à la fin, elle nous dit que lorsqu’elle ne se sent pas trop fatiguée et que si le temps le permet, elle va se promener au parc de Bagatelle. « En semaine, à l’heure du déjeuner, on y croise juste quelques jardiniers, des paons et des canards. »
Elle a repéré quatre arbres qu’elle considère comme ses amis. « Mais mon arbre préféré se tient discrètement à l’écart et ne ressemble à aucun autre », ajoute-t-elle.
Cet arbre, un auracaria aux longues branches tombantes faites de feuilles en écailles acérées a pour petit nom « le désespoir des singes », car ils ne peuvent pas s’accrocher à ses branches. C’est donc à la dernière page –page 414- que nous découvrons d’où vient ce titre étrange.
Il n’y a pas que des jardiniers, des paons, des canards et un désespoir des singes à Bagatelle. Il y a aussi, le printemps venu, depuis bien longtemps, quantité de musiciens qui viennent se faire entendre dans l’Orangerie. En vieux habitués, les paons viennent souvent les écouter et donner leur avis… assez bruyamment.
Ce qui n’est pas sans rappeler la magnifique nouvelle de Truman Capote intitulée « Musique pour caméléons », où il évoque une de ses amies se mettant chaque soir au piano à la même heure, devant un fidèle auditoire de caméléons.
Débarrassée de ses orangers abrités là l’hiver, l’Orangerie de Bagatelle se tient face à la roseraie et se prête à toutes sortes de délices musicaux, à la fois pour un public fidèle ou pour des promeneurs qui passent par là, en famille, et se disent « Tiens, pourquoi pas un peu de musique ? ». Un peu de musique après avoir déambulé dans les allées, senti les roses, découvert les iris ou les pivoines, côtoyé les hêtres favoris de Françoise Hardy, dialogué avec les canards et les paons, très familiers…
Les premières à donner le signal des réjouissances sont « Les musicales de Bagatelle » en mai, organisées in loco par la Fondation des Banques populaires. Assumant le rôle traditionnel de mécène musical dévolu aux grandes banques, cette fondation s’attache à découvrir des jeunes talents depuis 1992, et la liste des lauréats depuis cette date est à faire tourner la tête.
A Bagatelle, donc, quatre anciens lauréats devenus des maîtres parraineront pas moins de 26 jeunes lauréats en 4 concerts, avec la fantaisie qui s’attache ces musicales.
Le vendredi 20 mai, pour ouvrir la saison et le bal, on nous propose de revisiter « Les 4 saisons » de Vivaldi, et pourquoi pas ? Le grand violoniste russe Vadim Tchijik parrainera huit jeunes, et le lendemain, ce sera au pianiste Nima Sarkechik
d’entraîner six autres jeunes lauréats dans des « Pas de deux ». « Figure de la danse classique et aussi du monde équestre » nous dit le programme. Diable ! Mais connaissant bien Nima, je l’en crois capable ! J’ai toujours pensé que ses origines iraniennes expliquent son côté chaleureux, aussi vibrant que son jeu. Sous ses doigts, Chopin ne ressemble à rien de ce que vous avez pu entendre avant ! J’ai craint un moment que son tempérament bouillant ne le mène sur des chemins de traverse, mais je suis heureuse de voir qu’il s’est épanoui au plan international.
Le pianiste français Vincent Balse fera ensuite jazzer les jeunes lors d’ »Un petit cabaret ». On verra si les paons apprécient.
Et le lendemain, un jongleur, parrainé par le maitre violoniste Julien Szulman, se livrera avec trois jeunes lauréats musiciens à des « Fantaisies pour petites et grandes oreilles », « à partir de 6 ans », précise le programme.
Puis le 18 juin, l’auguste « Festival Chopin », trente-troisième du nom, reprendra ses quartiers dans l’Orangerie. On ne le présente plus, c’est le plus ancien, le plus établi, le plus chic, une pluie de stars chaque année. Les paons le connaissent bien, et arpentent l’allée de long en large le long de l’Orangerie durant les concerts…
Il y a les récitals de l’après-midi à 16h45, et les Concerts aux chandelles à 20h45.
Imaginez le soir, lors de l’entracte, avoir les jardins et la roseraie pour vous, désertée par les promeneurs de l’après-midi…
Bagatelle pour vous seul… Un enchantement… Un privilège… Une splendeur…
Le thème choisi cette année, plus prétexte qu’autre chose, est celui des lauréats des grands concours de piano. Mais réjouissons-nous, car il nous permettra d’entendre notamment, les 12 et 14 juillet, Adam Laloum, premier prix Clara Haskil 2009 (Ah ! Clara Haskil dans le « Concerto n°20 pour piano et orchestre » de Mozart…), déjà star ou presque à 29 ans. Le 23 avril dernier, le public de la Maison de la Radio ne voulait plus le laisser partir après l’avoir entendu dans le « Concerto pour piano et orchestre n°27 » de Mozart, accompagné par le Philharmonique de Radio-France dirigé par Sir Roger Norrington. Le « vieux » maestro de 82 ans lui-même l’applaudissait en souriant…
Puis dès le 21 juillet, ce sera à « L’Octuor de France » de revenir dans ses meubles à l’Orangerie, à sa manière bon enfant. Ils sont souvent huit musiciens mais pas toujours, et aiment alterner œuvres connues et moins connues.
Pendant l’entracte et après les concerts en soirée, là encore on pourra profiter du parc et de la roseraie enfin désertés, sauf des paons qui seront peut-être fatigués de toute cette musique, et aimeraient sûrement grimper dans un arbre et pouvoir enfin dormir à une heure décente.
Il faudra ensuite attendre début septembre pour que reviennent « Les Solistes à Bagatelle », qui se produiront du 3 au 18 septembre, les samedis et dimanches à 16 et 18 h. Si ce festival porte le titre de 17ème édition, en fait il s’agit de sa cinquième saison à Bagatelle. Il s’est appelé pendant douze ans « Les Solistes aux Serres d’Auteuil », et se déroulait dans la serre aux azalées du Jardin botanique des Serres d’Auteuil.
On connait l’histoire : depuis plus de cinq ans, Roland-Garros veut défigurer le jardin par un stade de tennis de 5000 places, et depuis plus de cinq ans, associations et personnalités se battent pour empêcher le massacre de l’un des plus beaux jardins de Paris. La bataille fait rage devant les tribunaux, et en attendant l’issue, le festival a dû déménager à Bagatelle.
Le programme est absolument magnifique, et vu l’horaire, n’empêchera pas les paons de s’endormir à l’heure. Enfin.
Lise Bloch-Morhange
http://www.fnbp.fr/-Les-Musicales-de-Bagatelle-2012,49-.html
http://www.frederic-chopin.com/
http://www.octuordefrance.com/les-concerts/
http://www.ars-mobilis.fr/category/programme-2016/les-solistes-a-bagatelle/
Comme toujours, chère Lise Bloch-Morhange, vos articles sont toujours très entrainants. En effet Bagatelle – qui y accueille toujours le festival Chopin – comme les anciennes serres d’Auteuil offrent des rendez-vous d’exception, propices à la découverte.
C’est après son premier concert aux Serres d’Auteuil en 2009 que nous avions ainsi, avec Martine Kaufmann, invité le très prometteur, quoique timide, Adam Laloum à venir jouer au musée de la Vie romantique, où il avait naturellement conquis les Amis du musée – avant de s’imposer très vite et magnifiquement comme soliste d’exception.
Merci beaucoup.
Merci, cher monsieur, de votre chaleureux commentaire.
J’ai beaucoup soutenu les Solistes aux Serres d’Auteuil et y ait découvert quantité d’interprètes merveilleux.
Je connais Martine Kaufmann, et me demande s’il y a toujours une actualité musicale dans votre beau musée romantique.
Chère Madame,
Quel bel article pour nos Musicales de Bagatelle ! Un article qui donne envie de découvrir encore plus ce beau parc et se laisser aller à entendre de la musique où imaginer de belles histoires…
Merci beaucoup.
Au plaisir de vous rencontrer aux Musicales de Bagatelle,
Martine Tremblay, directrice de la Fondation Banque Populaire.
Merci de votre chaleureux message, nous nous verrons samedi à Bagatelle.