« Vendeur » fait la part belle aux acteurs

"Vendeur" l'affiche du filmLes films de nos jours, concentrent tellement de trouvailles et de fines répliques qu’ils nous éloignent de notre quotidien et de ses dialogues réels. En même temps, une accoutumance s’est créée avec ces produits de studio ultra-nourrissants et c’est aussi pour cela qu’on va les voir. Alors forcément, quand un film échappe à cette tendance, c’est un peu déroutant. Et c’est le cas de « Vendeur » le film de Sylvain Desclous, qui renoue d’une certaine façon avec un genre lent, épuré, porté par une histoire ordinaire avec des gens ordinaires. Passé le cap de l’adaptation à ce traitement tout en retenue qui se fait rare, la combine finit pourtant par fonctionner.

Serge est un vendeur d’élite. Il appartient à cette race de «money makers» qui ont germé dans les années quatre-vingts. Il pourrait vendre des appartements des voitures ou des piscines prêtes à l’emploi. Mais le personnage interprété par l’impeccable Gilbert Melki vend des cuisines. Il n’a pas son pareil pour établir une connivence avec ses clients. «C‘est quoi votre plat préféré, baratine-t-il en substance, le lapin à la moutarde ? Mais c’est le plat préféré de ma mère ! Elle y mettait toujours un peu de thym, ah vous aussi ? Vous avez deux crédits, moi j’en ai déjà trois ! Mais celui que je vous propose est gratuit». Serge est une épée dans son domaine. Il roule dans une grosse BMW, fume trop, boit du whisky dans des grands verres et aspire des rails de cocaïne dans les corners de son emploi du temps. Il distraie ses soirées avec des «putes», c’est son monde, sa vie.

Le paysage où il travaille c’est celui de la périphérie des villes, où les grandes marques de mobilier ou de bricolage se juxtaposent, face à des parkings pour clients volontaires. Les gens que Serge fréquente sont des commerciaux, de la véritable viande de vendeurs, dont les performances sont mesurées par une hiérarchie exigeante et désespérante de vulgaire vacuité. Comme la viande, quand ils sont périmés, on jette les vendeurs.

Gilbert Melki dans "Vendeur". Photo: PHB/LSDP

Gilbert Melki dans « Vendeur ». Photo: PHB/LSDP

C’est dans ce contexte que débarque son fils Gérald, joué par Pio Marmai. Il tenait un restaurant qui vient de faire faillite. Il demande à son père de l’initier, ce que ce dernier va d’abord faire à reculons. L’intrigue aurait pu se limiter à une réussite qui va progressivement advenir. Mais le scénario est plus riche que cela. Car la seconde partie du film démontre avec une certaine finesse que s’il est compliqué d’entrer dans le monde de la vente, il aussi compliqué d’y survivre et surtout d’en sortir. Sylvain Desclous construit pas à pas une tension psychologique entre les deux hommes, que les parfaits seconds rôles (dont une excellente mais fugitive apparition de Romain Bouteille), contribuent à alimenter.

Dépourvu de répliques impérissables, le film permet par voie de conséquence aux acteurs, de délivrer une puissance et une épaisseur de jeu qui se fait rare aujourd’hui. Délaissée, la recette est à reconsidérer. Gilbert Melki tire l’ensemble sans faiblesse. Il démontre encore une fois qu’à côté du comédien qui fait rire, coexiste un acteur qui ne contente pas de faire du tourisme dans le genre dramatique. Il y excelle.

PHB

 

 

 

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2 réponses à « Vendeur » fait la part belle aux acteurs

  1. philippe person dit :

    C’est le début de la semaine, vous avez raison d’être indulgent… avec ce bon téléfilm qu’on verrait mieux sur France 3 qu’en salles…
    ça m’a rappelé un autre film, celui du regretté Rémy Waterhouse, « Je règle mon pas sur le pas de mon père »… Jean Yanne et Guillaume Canet, c’était quand même un peu plus solide que Melki-Marmaï…
    Enfin, ici, il y a Sara Giraudeau… de mieux en mieux… et puis la minute Bouteille, c’est une très belle idée…

    Ce soir, je vais à la première de « Madeleine » aux Déchargeurs… Peut-être y serez-vous ?

  2. Cher Philippe Person je partage votre point de vue mais comme je n’ai pas la télévision je regarde les bons téléfilms au cinéma! Tout à fait d’accord sur le film auquel vous faites allusion. Yanne était au sommet de sa veine.
    Pour « Madeleine » j’avoue que je n’étais pas au courant. Si je ne puis y aller merci de me dire ce que ça vaut. PHB

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