L’Hôtel-Dieu d’Apollinaire

Façade de l'Hôtel-Dieu Château Thierry. Photo: PHB/LSDPPeu après avoir été touché au crâne par un éclat d’obus, le 17 mars 1916, Guillaume Apollinaire est transféré à l’Hôtel-Dieu de Château Thierry. Il n’y est resté qu’une grosse semaine comme l’atteste un registre d’admissions conservé aux archives départementales dans la ville de Laon. Cependant les Castelthéodoriciens, c’est ainsi que l’on appelle les habitants de Château Thierry, ne retiennent surtout de leur ville que l’omniprésence de Jean de La Fontaine, immense écrivain du ramage au plumage.

Une coïncidence est parfois le résultat d’une organisation. Car le Musée Jean de La Fontaine, où habitait le poète, va organiser du 19 mars au 16 avril dans l’enceinte du Musée de l’Hôtel-Dieu une exposition autour du bestiaire d’Apollinaire, soit une série de courts poèmes illustrés par Raoul Dufy. Une belle occasion de faire le déplacement dans cette localité sise au milieu d’un vieux vallon, à quarante cinq minutes au mieux de la Gare de l’Est.

Nous avons découvert un peu avant l’heure ce musée (mais pas la future exposition…) situé au rez-de chaussée de cet hôpital en grande partie abandonné depuis 1983. L’intérêt du parcours scénographique est qu’il a probablement été emprunté par Guillaume Apollinaire blessé. Il nous fait traverser entre autres, un dortoir commun où l’on casait les malades, la pièce de radiologie ou la blessure d’Apollinaire fut observée et la salle de soins. A l’époque il y avait les odeurs des blessures en voie de pourrissement, aujourd’hui ces lieux sont une invitation à la révélation de la vie monastique.

En 1966 la dernière des sœurs augustines Sœur Thérèse d’Avila, décède, huit ans après la Prieure, Mère Théodore. Un an avant de mourir, la première avait remis la clef des greniers à l’économat de l’hôpital. Ce n’est qu’en 1973 que l’économe, Madame Micheline Rapine, visite le dernier étage et découvre les trésors (faïences de pharmacopée, tapisseries, peintures, ustensiles, meubles précieux) oubliés. L’actuel Musée du Trésor verra le jour en 1988.

Il s’agit d’un espace très intime, fragile qui ne se visite que sur rendez-vous (1) avec le précieux accompagnement d’un conférencier. On y découvre la vie de ces religieuses, soignantes et cloîtrées. Reconstitué, le réfectoire permet par exemple de se faire une idée de l’ambiance spirituelle qui y régnait. La prieure dominait les sœurs depuis une petite estrade et, en bout de table, une autre sœur, à genoux sur un prie-Dieu, donnait la lecture. Parler était rigoureusement interdit sauf pour des motifs strictement utilitaires.

On peut dominer du regard cet ancien hôpital depuis les restes du château médiéval qui surplombe la ville. Le bâtiment a connu les méfaits de la Révolution et plusieurs guerres. Un an après le bref passage de Guillaume Apollinaire, l’ensemble a été sévèrement abîmé par les bombardements ennemis.

Aujourd’hui l’immeuble attriste un peu l’œil avec son horloge centrale de guingois, ses stores défaits, ses vitres un peu sales, mais de loin il ne manque pas de style. On dit sur place que les étages à l’abandon pourraient devenir un lieu évoquant la mémoire américaine. En attendant, il y a encore un petit bâtiment qui prodigue des soins, un funérarium et un local d’entrepôt archéologique.  C’est un usage un peu chiche pour des murs qui portent une si longue histoire dont la première origine répertoriée remonte à 1185 pour une maison-Dieu et, en 1304, une fondation de l’Hôtel-Dieu proprement dite par Jeanne de Navarre.

C’est ainsi que l’on prend un jour le train pour Château-Thierry avec la vague sensation de monter au Front, que l’on y découvre les rigueurs de la claustration monastique et au final, la satisfaction quand même matérielle d’avoir échappé aux deux.

PHB

(1) Réservations au 03 23 83 51 14 ou accueil.ot@otrct.fr

L'Hôtel-Dieu, vu du château médiéval. Photo: PHB/LSDP

L’Hôtel-Dieu, vu du château médiéval. Photo: PHB/LSDP

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Une réponse à L’Hôtel-Dieu d’Apollinaire

  1. Debon dit :

    Merci pour cette heureuse initiative le jour du centenaire de la blessure d’Apollinaire et merci aussi pour l’annonce de l’exposition sur le Bestiaire. C. Debon

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