Dans Saint-Amour, le denier film de Benoît Delépine et Gustave de Kervern, on y apprend qu’une caudalie est une unité de mesure permettant de mesurer la durée de stationnement en bouche des arômes du vin. Plus c’est long, plus c’est bon signe. A cette aune, Saint-Amour est un très bon cru, à quelques infimes réserves (de fine) près.
Ceux qui entendent encore le moteur de la moto pilotée par Depardieu dans « Mammuth », des mêmes réalisateurs, avec cette petite musique si entraînante évoquant à la fois l’appel et la consommation de la liberté, ne seront pas déçus.
A vrai dire, nous avons craint le pire. Il y avait six spectateurs, dans une salle pouvant en contenir disons trente, jeudi 11 mars au soir dans la salle MK2 Gambetta (20e). On a connu de meilleurs présages. Dès les premières images, on tombe en outre sur un Benoît Poelvoorde bourré et, l’idée de l’accompagner dans cet état durant une heure et quarante minutes, peut faire faire naître le doute.
Mais non, le film est génial de bout en bout sauf peut-être, on le verra, les deux dernières minutes. Avec Saint-Amour, Benoît Delépine et Gustave de Kervern font encore preuve de leur singulière et profonde originalité. Il s’agit d’une comédie grave au fond, que vient agrémenter un traitement général à la marge des sentiers battus, soit la marque de fabrique des deux réalisateurs, avec d’indiscutables surprises drolatiques. L’intrigue n’a rien en apparence d’enchevêtrée: un père (Depardieu) et son fils (Poelvoorde) tous deux éleveurs de vaches, partent en taxi depuis le salon de l’agriculture pour faire la route des vins et tenter de trouver la réconciliation puis l’amour. En chauffeur de taxi, Vincent Lacoste est une découverte. Il transporte les deux « péboures » (ploucs) en soupirant, semblant être le seul personnage normal d’une histoire qui l’absorbera pourtant dans sa loufoquerie et son romantisme un peu « barré ». La sortie de son personnage sur les VTC est assez bien vue en même temps qu’hilarante.
La gamme aromatique de Saint-Amour est riche, complexe et émaillée si l’on peut dire, de petites anecdotes qui viennent nous émouvoir. On aime cette jeune serveuse provinciale qui s’angoisse de la dette de la France par rapport à son PIB, ce père (Depardieu) qui a conservé la ligne téléphonique de son épouse décédée pour continuer à lui laisser des messages et ce Poelvoorde pathétique qui avoue à son amante, un peu avant le passage à l’acte, quelque chose comme « oui je pleure et en plus je me branle car j’ai peur de ne pas y arriver« . La force de Benoît Delépine et Gustave de Kervern dans le cas qui nous occupe, est d’arriver à nous déconcerter tout le temps, de nous surprendre avec des situations d’apparence ordinaires mais finalement osées et tellement inédites qu’elles sont trouvailles à nos yeux.
Saint-Amour est un très bon film roulant sur des jantes ondulées. Dommage que la toute fin (avec la parfaite Céline Sallette) semble avoir été signée par Coline Serreau, mais d’aucuns n’y trouveront justement rien à redire. Question de goût.
PHB
Nous l’avons vu hier soir, et y avons trouvé le pire et le meilleur.
Long en bouche… doux en touche. Espoir caressé par celles qui se tartinent le visage avec la crème de la marque éponyme de la fameuse unité de mesure. Le film lui fait une promo inattendue !