Parfois un piroguier vient prendre les prendre sur la plage pour les emmener sur un cargo qui stationne au loin. Certaines meurent accidentellement à l’aller ou au retour. Elles ce sont les « Go » qui dorment sur la plage sans même un toit pour s’abriter et qui se vendent pour un euro cinquante le coup. Photographe et réalisatrice, Eliane de Latour a su nouer les liens pour s’immerger dans leur milieu. « Little go girls » est un remarquable documentaire qui sortira en salles le 9 mars.A ce niveau de pauvreté, même la précarité, un cran au-dessus, peut être considérée comme un luxe. Selon la réalisatrice, qui commente avec retenue et justesse en voix off, ces filles sont considérées comme « irrécupérables » par les associations humanitaires. Une sorte de brevet de misère dont personne ne voudrait.
Avec une patience, une délicatesse, une discrétion et une volonté que l’on peut deviner, Eliane de Latour a su gagner leur confiance. Lasses, défaites, acculées à vivre à proximité des immondices, elles ne donnent pas l’impression de voir la caméra. Même si le montage y est pour quelque chose, la qualité de ce film est extraordinaire, pour ses cadrages, ses couleurs, ses ombres, qui font que l’on est transposé là dans cette pièce moite où quand le quand le client se fait rare, on tue le temps comme on peut.
Dans « Little go girls », il semble qu’il n’y ait pas cette complaisance à la misère dont on peut par la suite tirer avantage dans les cercles éduqués parisiens. Avec l’argent qu’elle a gagné avec ses photos, Eliane de Latour s’est employée à les aider avec un bilan inégal. Au moins aura-t-elle tenté le coup, sous la forme d’un appartement, (la casa des « Go ») loué avec l’objectif de leur reconstituer une identité au propre comme au figuré car elles n’ont pas de papiers. C’est pour cela, que ramassées noyées, elles sont estampillées, « citoyennes non reconnues« .
Eliane de Latour écrit: « Loin d’un discours en surplomb sur la prostitution, je me place au niveau de leurs échappées propres, rêveuses, épuisées, incertaines ». Selon la réalisatrice, « elles ramassent la poisse de la ville« , dépensent sans compter et retournent au tapin une fois les fonds épuisés.
Oui ce long métrage de 78 minutes prend aux tripes. Et il provoque par ricochet un terrible contraste avec nos débats de riches. Dans leur vraie vie, c’est à dire celle du film, ces filles ont fini par être virées de leur appartement de sauvetage, étanche, avec des portes, de l’eau courante et de la scolarité pour leurs enfants, parce que la subvention de l’ONU est arrivée trop tard.
Avec ce beau documentaire, Eliane de Latour leur a fait une sorte d’hommage. Et à nous comme un choc parce que magistralement servi.
PHB
En salles le 9 mars.
Un très grand merci à Eliane pour sa force et son courage!
Pasko