Découpé en quatre, le film de Tom McCarthy aurait pu faire une excellente série télé. Les quelques longueurs qui l’émaillent seraient alors passées inaperçues et les intervalles entre chaque épisode eussent relancé l’appétit pour l’intrigue. « Spotlight » raconte l’histoire d’une équipe de journalistes du Boston Globe, appliqués à mettre en lumière le système de protection dont bénéficiaient jusqu’en 2002 les prêtres pédophiles du diocèse local.
L’urgentiste qui regarde la série « Urgences », plisse forcément les yeux en connaisseur, appréciant chaque détail, passant au crible toutes les erreurs possibles, se réjouissant de l’ambiance recréée, jaugeant chaque amourette de service à l’aune de sa propre expérience.
Pour le journaliste visionnant « Spotlight » (littéralement coup de projecteur) c’est à peu près pareil sauf que s’il est Français, il enviera forcément un peu ses confrères américains aux profils de héros modernes à même de faire tomber qui un président, qui un diocèse gangrené par de sinistres affaires de pédophilie.
« Spotlight » se consomme sans déplaisir soyons sport. Le début qui voit débarquer un nouveau patron de la rédaction est assez bien vu et d’emblée, le rédacteur en chef de la cellule d’investigation qui donne son nom au film, personnage interprété par Michael Keaton (l’un des flics dans « Jackie Brown »), tout en retenue, fait une prestation impeccable.
Le sujet c’est l’investigation. Le sujet dans le sujet, c’est la pédophilie. Le film retrace une enquête implacable et souligne le traumatisme des petites victimes. « Spotlight » démontre comment les prédateurs du culte s’attaquent surtout aux familles pauvres, de quelle façon personne n’ose leur dire non, de quelle manière personne n’ose les dénoncer et, si cela se produit, comment on invite les bavards au silence.
Un peu mais seulement en filigrane, on discerne que les prêtres déviants sont la suite logique d’un célibat contraint par l’église catholique et que parfois même, ils ont été victimes de tels actes dans leur jeunesse. Cette histoire américaine nous informe que 6% des prêtres de Boston se sont laissés aller à des actes coupables, c’est beaucoup, mais cela prouve aussi par soustraction que la plupart des ecclésiastiques savent aussi faire face à leurs frustrations sans pour autant abîmer autrui.
Avec « Spotlight », on ne tient toujours pas le film d’une année qui commence à peine. C’est néanmoins efficace, si l’on excepte encore une fois quelques longueurs. Et puis cela permettra aux gens qui n’en sont pas, de se faire une petite idée du monde de la presse qui reste bien plus mystérieux aux yeux du grand public, qu’un bloc opératoire ou un cockpit de pilotage. La connaissance de ce petit peuple s’arrête souvent aux présentateurs des grands journaux télévisés, qui sont tout sauf représentatifs d’un univers bien plus complexe tout en étant assez ordinaire, dans la mesure où les journalistes n’ont pas le monopole du rush.
L’investigateur et surtout le reporter révèlent deux modes de travail en symétrique inverse du préposé obscur chargé de traiter les infos de base. On y cherche l’information au scalpel ou à la pelle, dans un annuaire, un listing, une poubelle, une clé USB, un livre comptable.
En cela, « Spotlight » rendrait plutôt hommage à la profession et c’est déjà pas si mal.
PHB
Une lecture qui donne l’envie croissante de visionner le film, pour les nombreuses raisons invoquées. Merci Philippe !