En quittant l’exposition bon chic-bon genre « Etre femme sous Louis XIV » au musée-promenade de Marly-le-Roi, chacun s’est forgé une réponse à l’interrogation : était-ce mieux avant? La machine marlychoise à remonter le temps livre une image enjolivée de ce que vécut Eve au temps du Roi Soleil, un peu trop même à ce qu’on en sait pour éprouver l’envie de s’y téléporter.
Déjà, au niveau enveloppe charnelle, la femme est terra incognita. Antiquité et religion n’en font point l’égale de l’homme. Dieu n’a-t-il pas créé Eve à partir d’une côte d’Adam dans la version la plus communément admise de la Bible ? Faisant de la mère de l’humanité un produit dérivé. Science à cette époque rime avec ignorance. La reproduction s’entoure de mystères, l’accouchement est affaire de femmes, la tartufferie est à l’œuvre (Couvrez ce sein que je ne saurais voir…). On ignore tout des organes génitaux féminins. Soustraits à la vue, ils intriguent autant qu’ils effraient. Les gravures scientifiques de l’époque dessinent l’utérus en forme de phallus inversé, elles nomment encore les ovaires testicules.
Difficile, dans cet obscurantisme, d’observer la contraception la plus élémentaire. Le foyer ne s’agrandit pas pour autant. Les femmes meurent en couches, trop rares sont les enfants qui atteignent l’âge d’un an. Pour une quinzaine de grossesses, une femme met au monde trois enfants qui atteindront l’âge adulte. Une macabre moyenne qu’illustre le proverbe « Femme grosse a un pied dans la fosse« .
Maîtresse du roi, la jeune Marie-Angélique de Fontanges en fit les frais, qui accoucha d’un enfant mort-né avant de décéder dix huit mois plus tard victime d’hémorragies torrentielles. « Blessée dans le service ! », commenta la Marquise de Sévigné dont la plume mondaine savait aussi être cruelle. Une rivale de moins, dut exulter la somptueuse Françoise-Athénaïs de Mortemart, épouse du marquis de Montespan, dont le corps s’était alourdi au fil des grossesses : aux deux enfants légitimes nés de son premier lit s’ajoutent les huit bâtards de sang royal qu’elle mit au monde. A y bien regarder, le carrosse cornu de l’époux cocu s’ornait de huit cornes.
Ce qui est permis à la cour ne l’est pas nécessairement dans les chaumières. La France est encore fille aînée fidèle de l’église. La mère de famille est un statut dont le clergé fait son miel pour ancrer la foi chrétienne dans les jeunes cervelles. L’école est obligatoire jusqu’à quatorze ans mais son financement est à la charge des familles et son organisation sous contrôle des évêchés. En son pensionnat de Saint-Cyr, Madame de Maintenon promeut l’éducation des jeunes aristocrates désargentées. Elle y prodigue aussi ses conseils en tenue et maintien, anagramme quasi parfait de son patronyme. Si les jeunes filles issues des milieux aisés prennent pension dans les couvents, les paysannes souffrent du manque de maîtres, affectés en priorité aux écoles de garçons. L’inégalité entre les sexes est telle qu’à la fin du règne de Louis le Rayonnant, neuf Françaises sur dix ne savent pas écrire ni même signer de leur nom.
L’espérance de vie agit comme une fabrique de veuves. Et une aubaine pour les couvents ! Avant de fonder l’Ordre de la Visitation, Jeanne-Françoise Frémyot eut le temps de faire quatre enfants au baron de Chantal, double vie qui lui valut canonisation sous le nom de Sainte Jeanne de Chantal. Première maîtresse du roi, la duchesse Louise de La Vallière avait donné le signal, qui après sa disgrâce (et six enfants nés du roi) se destina au carmel. Veuve à vingt-cinq ans du poète infirme Scarron, épousé alors qu’il comptait plus du double de son âge, Françoise d’Aubigné eut elle aussi sa seconde mi-temps bigote : devenue Madame de Maintenon, elle consacra une part de sa vie à ramener son fougueux époux dans les clous de sainte mère l’église.
Le dix septième siècle fut donc une époque bénie pour les congrégations (Ursulines, Monales déchaussées…). On s’y précipitait pour gagner le ciel, mais l’entrée en contemplation s’exerçait à guichet fermé. On apprend que l’abbesse Marie-Angélique Arnold ferma l’accès à son monastère cistercien de Port-Royal des champs à sa propre famille venue lui rendre visite. Elle qui confessait pourtant, du temps où elle s’appelait Jacqueline, « avoir une aversion horrible du couvent » ! La grâce frappe au moment où l’on s’y attend le moins.
Les femmes travaillent. Elles sont nourrices, blanchisseuses, lavandières… petits métiers de proximité disparus à l’ère industrielle du lait maternisé et de la machine à laver. Il s’agit pour les demoiselles de se constituer une dot, puis d’épauler le conjoint à la ville ou au champ (la population est alors à 80 % rurale). Les plus érudites parmi les plus aisées consacrent une partie de leur oisiveté à écrire. L’exposition livre une sélection audio sage des témoignages qu’elles nous ont laissés, presse people de l’époque : quelques lettres de la Marquise de Sévigné épurées de sa jalousie maladive de mère intrusive ; quelques missives de la truculente Palatine, purgées de ses commentaires scatologiques. Pas d’argot fût-il de cour, on est dans une banlieue huppée.
Le chic français d’ailleurs, parlons-en, il est à l’œuvre. Courtisanes et dames de qualité font rayonner la mode française en Europe grâce aux illustrations du Mercure Galant, ancêtre du Mercure de France. On y voit Eve porter des robes dédoublées qui ne mégotent pas sur le brocart, le velours, la dentelle et les pierreries. A l’ère du rien-à-l’égout, le gant parfumé est un must, un accessoire pour lequel la mère de Louis XIV se serait damnée. Sa favorite aussi, mais à de noirs desseins, ceux d’empoisonner une rivale.
Au foyer, madame prend ses aises en robe de chambre. Un manteau de maison porté sur vêtements de nuit à ne point confondre avec le vulgaire peignoir (en tissus éponge), tandis qu’embaument des pots-pourris faits d’épices et de fleurs. L’hygiène en est aux balbutiements davantage qu’aux ablutions… Rare et de piètre qualité, l’eau fait peur, hormis jaillissant du bassin de Neptune. Les essences florales remplacent les shampooings et le halo parfumé qu’elles diffusent vaut signature odorante mieux qu’un phéromone. Louis XIV, surnommé « le doux fleurant » parfume sa sublime crasse aux fragrances. Les parfumeurs doivent à son nez bourbon d’être à l’origine de leur statut, donc de la parfumerie française. Côté maquillage et poudre aux yeux, la mode, à l’instar du roi, est au blanc statuaire et au rouge désir. Concentré de fleurs, de santal, de benjoin, de musc et de clous de girofle, la poudre de violette fait fureur. Elle est censée purifier le teint et blanchir les dents. Mais pas encore les cors au pieds. Laissons le mot de la fin à ce jeune visiteur frustré formulant un regret face à la rangée de bocaux alignés : « dommage qu’on ait les flacons sans avoir les senteurs ! »
Guillemette de Fos
Passionnante époque où le statut des femmes était tout en ambiguïté, comme maintenant d‘ailleurs, on leur demande tout et ne leur donne que ce qu’elles nous arrachent. A propos de Louis XIV il me revient l’histoire de celle qui fut chargé de dépuceler le Roi. Bien que laide et peut-être même borgne (on la surnommait « Cateau-la-Borgnesse »), elle aura de nombreux amants dont l’archevêque de Sens. Catherine Bellier, a été désignée par la reine Anne d’Autriche mère pour apprendre au jeune roi les plaisirs de la chair, et reçut un château ainsi qu’une pension de 2 000 livres en récompense de ses services rendus entre les 14 et 16 ans du jeune roi. Son mari reçut alors le titre de baron.
Merci, je t’embrasse Guillemette
Je t’embrasse aussi, cher Bruno.
Notre royal impétueux dut être bien affranchi par dame Catherine pour aimer et pratiquer le plaisir de la chair à soixante dix ans révolus. Le mérite en revient à la discrète Françoise de Maintenon, moins bigote qu’il y paraît, qui sut entretenir la flamme.
« La reproduction s’entoure de mystères, l’accouchement est affaire de femmes, la tartufferie est à l’œuvre (Couvrez ce sein que je ne saurais voir…). On ignore tout des organes génitaux féminins »
I disagree
http://scally.typepad.com/cest_moi_qui_lai_fait/2011/06/foodsaver-appareil-de-mise-sous-vide-jach%C3%A8te-ou-pas.html – Verline