Cette photo représente l’aérodrome du Bourget à ses débuts. Elle a probablement été prise en 1919 ou 1920, au maximum en 1921. La date précise n’est pas portée à son verso, mais le dénuement du paysage laisse à penser que le futur aéroport venait de prendre la suite de Port-Aviation (1) au sud de Paris.
D’une écriture très fine, son propriétaire et supposons l’auteur, mentionne son nom « Monsieur Chiappe », et celui du pilote, un certain Marius Raven. Ce dernier a emmené le premier faire un tour de « vingt minutes » sur son biplan si l’on en croit la structure de l’aile avec le câble qui apparaît au premier plan.
Il s’agit d’une belle photo prise sans doute les bras un peu par-dessus bord. La mise au point a été faite en direction du sol où l’on distingue bien les bâtiments, les hangars et au moins deux appareils biplan. Ce cliché porte également une valeur historique puisque les environs, hormis l’espace aéroportuaire qui sert à l’aviation d’affaires, est aujourd’hui entièrement urbanisé par la ville du Bourget mais aussi par celle de Dugny, en Seine-Saint-Denis. Certainement unique, elle a fixé cette période géniale où voler était une aventure, un rêve, un instant de grâce, avant de devenir un moyen de transport aseptisé.
Cela faisait plusieurs mois que cette prise de vue traînait dans le bac d’un vendeur de livres d’occasion sur le marché dédié du parc Georges Brassens dans le quinzième arrondissement. Elle était vendue 5 euros mais ne trouvait pas preneur. Je l’ai revue samedi 16 janvier, deux saisons plus tard, toujours dans la même boîte, parmi d’autres sujets variés. Et cette fois je l’ai achetée. Je la regarde sans ennui et même, par empathie, avec un plaisir subtil. Il ne devait pas faire froid ce jour où le passager (peut-être le pilote qui sait) a enclenché son appareil photo, car les arbres sont en feuilles. C’est une histoire figée pour l’éternité, car en photo, l’action ne se conclut jamais. Parfois on aimerait bien que l’existence face une pause quand par surprise on se retrouve inclus dans une séquence bienveillante. Et nous n’en sortirions qu’après l’avoir décidé, en faisant un peu durer les vingt minutes, un jour ou deux, tous compteurs arrêtés.
PHB
(1) Port-Aviation
Magnifique photo, il fallait l’acheter!
J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une projection sur…Notre-Dame-des-Landes, ça pourrait presque, non?
Au moins symboliquement….
Lise Bloch-Morhange