L’avenue des cinéphiles

A l'affiche des Fauvettes. Photo: Baptiste FauvelLe 6 novembre dernier, un nouveau cinéma faisait son apparition au 58 avenue des Gobelins à Paris, dans le 13ème arrondissement, à l’emplacement de l’ancien cinéma Gaumont Gobelins. Un cinéma remplaçant un cinéma, cela n’a vraiment rien de bien extraordinaire en soi, nous direz-vous.

Et vous auriez parfaitement raison, si ce dernier, « Les Fauvettes », ne se distinguait par son originalité et ses qualités esthétiques.

Tout d’abord, son architecture et son confort se situent au summum de la modernité et de l’innovation – impression que l’on avait déjà ressentie une dizaine d’années auparavant avec l’inauguration du MK2 Bibliothèque et de ses salles équipées des tout nouveaux « love seats » de Martin Székely –. Signées par l’architecte Françoise Raynaud et le décorateur Jacques Grange, Les Fauvettes proposent cinq salles de très belle facture ainsi qu’un bar et des espaces d’accueil confortables, articulés autour d’un patio végétal et abrités par une verrière. La lumière naturelle, grande absente des salles de cinéma, est donc bien au rendez-vous pour notre plus grand plaisir.

Dès la rue, l’œil du passant est inévitablement attiré par l’affichage artistique et pixélisé des deux façades sur lesquelles passent en boucle des extraits des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma – Ah, le visage de Vivien Leigh dans « Autant en emporte le vent » en dimension XXL ! Un rêve à lui tout seul ! – Cette véritable œuvre d’art dans la ville – dont l’auteur est l’artiste Miguel Chevalier – donne tout de suite la note. Le concept des Fauvettes est unique en son genre puisque sa programmation sera exclusivement composée de films cultes en version restaurée non vus sur grand écran depuis au moins six mois. Ainsi, lors de sa semaine d’ouverture, le cinéma présentait-il « Top Gun », « Le Conformiste », « Blade Runner », « Casino », « Retour vers le futur », « Toy Story », « Skyfall »… ainsi que cinq films des années 90 du célèbre réalisateur hongkongais Wong Kar Wai. L’idée est aussi de présenter le film si possible en présence du réalisateur. Ainsi, le 11 novembre, Wim Wenders accompagnait-il la projection de son film « Jusqu’au bout du monde » et, le 12 novembre, John Landis, « The Blue Brothers ».

Précisons, pour la plus grande satisfaction des cinéphiles, que les séances sont sans publicité et sans pop-corn. Décidément, un lieu unique pour une expérience cinématographique unique !

Façade de la Fondation Jérôme Seydoux Pathé. Photo: Baptiste Fauvel

Façade de la Fondation Jérôme Seydoux Pathé. Photo: Baptiste Fauvel

Un an auparavant, les amoureux du 7ème art avaient déjà eu le bonheur de voir s’installer sur le trottoir d’en face – au n°73 – la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé. Lieu là encore tout à fait exceptionnel, la Fondation est un centre de recherche et de documentation sur l’histoire du cinéma, destiné aux chercheurs et aux étudiants.

Située dans un magnifique édifice conçu tout spécialement pour elle par Renzo Piano dans l’ancien Théâtre des Gobelins devenu par la suite le cinéma Le Rodin – la façade sculptée par Auguste Rodin vers 1869, classée aux monuments historiques, nous rappelle avec ses deux sculptures représentant le Drame (incarné par l’homme) et la Comédie (incarnée par la femme) les origines du lieu – elle projette des films rares appartenant pour la plupart au fonds de la Maison Pathé. Elle a pour vocation de nous faire remonter le temps en nous ramenant aux origines du cinéma, le cinéma muet. La programmation est composée de cycles thématiques. Projetés dans l’intimité de la petite salle Charles Pathé –68 places–, les films sont accompagnés par un pianiste et nous font ainsi revivre la magie des séances d’antan. Des expositions temporaires constituées d’affiches, photographies de tournage, correspondances, programmes…. accompagnent ces cycles de projection.

Par ailleurs, une exposition permanente dans la Galerie des appareils cinématographiques retrace l’histoire et l’évolution des caméras et projecteurs Pathé depuis 1896 jusqu’aux années 80. Pour finir, le spectateur a aussi la possibilité de visiter ce bâtiment qui allie avec beaucoup d’élégance le contemporain à l’ancien. Derrière la façade sculptée par Auguste Rodin, Renzo Piano a édifié une coque de verre de cinq étages au milieu d’un jardin. Très lumineux, l’intérieur est un subtil mélange d’acier et de bois clair.

L'Escurial. Photo: Baptiste Fauvel

L’Escurial. Photo: Baptiste Fauvel

Dans le prolongement de l’avenue des Gobelins, au 11 Boulevard de Port-Royal, le cinéma l’Escurial, créé en 1911, reste la seule et dernière salle indépendante classée Art et Essai du 13ème arrondissement et également la plus ancienne. La programmation exigeante de ses deux salles permet de faire découvrir au public un cinéma de qualité soutenu par une politique d’animation très forte, tant à l’attention des adultes que du jeune public à travers le programme « L’Enfance de l’Art ». Depuis de nombreuses années, un public fidèle de tout âge – enfants venant avec leurs parents ou leur école, étudiants, adultes, seniors… – s’y rend avec constance et enthousiasme.

Nous ne pouvons terminer cet article sans mentionner également la présence de l’UGC Gobelins – au n°66 bis de l’avenue du même nom – qui permet de découvrir les dernières sorties en salle.

Ainsi désormais l’heureux cinéphile pourra-t-il, sans trop avoir à se déplacer et dans une même journée, voir une séance de films muets, un chef-d’œuvre restauré, un film art et essai et le dernier James Bond. Il est certain que cette avenue n’aurait pas manqué de plaire à Henri Langlois !

Isabelle Fauvel

Cinéma Les Fauvettes
Fondation Jérôme Seydoux – Pathé
Cinéma L’Escurial
UGC Gobelins

Les Fauvettes. Photo: Baptiste Fauvel

Les Fauvettes. Photo: Baptiste Fauvel

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Cinéma. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à L’avenue des cinéphiles

  1. Catherine dit :

    J’habite le 13ème arrondissement et j’ai participé à une visite guidée de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, c’est effectivement une réussite architecturale ! Les affiches anciennes de films sont très intéressantes et quand on a grandi dans une famille dont le père filmait les vacances en caméra Super8, on ne peut qu’être ému de revoir cette caméra au musée de la fondation ! L’offre cinématographique de ce quartier, ainsi que vous l’avez très bien décrite, est une immense richesse pour qui s’intéresse au 7ème art.

Les commentaires sont fermés.