Pauvre, pauvre Marie-Anne de Bavière. Elle était vilaine. Le burin d’Antoine Masson (1636/1700) s’est avéré aussi précis et insistant que vache et cruel. Comme il n’y avait pas d’autre fille de son âge, le Grand Dauphin Louis le Grand a dû l’épouser. Gageons qu’il trouvât d’autres compensations hors mariage.
C’est l’un des aspects étonnants de cette exposition des « Images du Grand Siècle » à la BnF. Certaines estampes ou gravures offrent un rendu extraordinaire. Et, du moins d’après ce que l’on peut découvrir, les hommes s’en tiraient beaucoup, beaucoup mieux, avec des tirages de qualité dignes de chez Harcourt.
On a dû mal à croire que le burin ne pouvait pas rien qu’un peu, adoucir les angles et améliorer la réalité. Si Marie-Anne de Bavière se tire difficilement de l’épreuve, la malheureuse duchesse de Montpensier frôle la catastrophe. Le graveur Pierre Simon l’a exécutée en mode travesti au lendemain de sa deuxième nuit blanche. Un vrai règlement de compte. La duchesse aurait dû faire détruire la plaque après avoir empoisonné l’artiste, juste avant de le livrer aux rats. Faute de quoi, en novembre 2015, le regard du visiteur continue de s’abîmer sur ce minois ingrat.
C’est étrange d’autant que cette exposition nous apprend entres autres choses intéressantes, qu’à l’époque déjà, le contrôle de l’image était encadré de près. Louis XIV s’en servait comme d’un instrument de propagande à sa gloire. Si la Grande Dauphine tout comme la duchesse ont dû, dans cet esprit faire l’objet d’un « bon à tirer », l’on pourrait presque supposer qu’il y a eu malice de la part de la personne chargée de le signer. Embellir, enlaidir, la manipulation des images bien connue de nos magazines actuels, était à l’œuvre. Trop belles et donc spécieuses, cruelles et peut-être intentionnelles, l’iconographe de Louis XIV était à la manœuvre.
Cette exposition sans fantaisie est néanmoins hautement intéressante à travers quelque 160 pièces issues en majeure partie des collections de gravure de la BnF. Quand la bibliothèque royale décide d’acquérir des collections entières de particuliers, elle scelle sans le savoir l’acte fondateur du futur département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France. Et cette exposition d’envergure reflète l’âge d’or de la technique de l’estampe à l’époque de Louis XIV, qui plaçait la France sur ce terrain particulier, devant Rome, Anvers ou Amsterdam.
Hormis les portraits, fascinants de réalisme et d’expressivité, surtout chez les hommes on l’a dit, figurent aussi de captivantes images grand format du château de Versailles ou encore une suite en six planches des « jours d’appartement »où les membres de la cour étaient autorisés à participer aux divertissements de la famille royale comme le billard ou ces jeunes gens jouant au « trou-madame » dans le salon de Mars.
Estampe, gravure en taille douce, l’exposition de la BnF se veut aussi pédagogique et nous apprend les secrets de la production pas après pas. Dans les deux cas, la matrice en bout de chaîne, préfigurait les photocopieuses. Au grand dam de Marie-Anne de Bavière ou de la duchesse de Montpensier.
PHB
J’étais en train de visionner un film, « Capitaine Thomas Sankara », un documentaire formidable sur un personnage lumineux assassiné par son meilleur ami (qui sortira le 25 novembre)… et je tombe sur ce portrait extraordinaire de Marie-Anne de Bavière…
Choc des mondes et des cultures ! le jeune et charismatique président du Burkina Fasso et l’aristocrate pas gâtée par la nature…
Merci, Philippe, pour avoir déniché cette bouille sympathique. Je ne sais pas comment était la princesse dans la vie, mais on aimerait savoir si elle compensait son visage disgracieux par une grande beauté intérieure !
Merci, Philippe, pour ce billet matinal qui m’a mis en joie ! Pauvre Marie-Anne de Bavière, la nature n’est vraiment pas juste !