« Mon roi » est nu, faute de vrai scénario

"Mon roi" sur le mur d'images Google. Photo: PHB/LSDPAutrefois, faute de statut psychologique répertorié, on appelait ça l’amour vache. « Mon roi », le film de Maïwenn, réunit un séducteur quelque peu caractériel, interprété par Vincent Cassel, et une femme qui tombe sous son emprise, dont le rôle a échu à Emmanuelle Bercot. Le tandem pallie comme il peut l’inconsistance du scénario.

L’histoire, du moins le croit-on, a un début. Une jeune femme avocate dans le civil se fait attraper, dans un bar, par le charme exubérant d’un beau noctambule. Dès la sortie, s’enclenche semble-t-il, l’emprise destructrice de lui sur elle. Une passion débute alors, sur un ring qu’aucune frontière ne délimite.

Avec sa belle gueule comme  sortie de l’iconographie mythologique et son jeu intense, Vincent Cassel emplit l’espace. Extraverti, charmeur, son personnage est, à en croire certaines analyses, le « pervers narcissique » qui sévit un peu partout de nos jours dans les habits du voisin, du chef de service et en l’occurrence de l’amant sauvage qui aime, repousse, fait mal, demande pardon et aime à nouveau. C’est le chat cruel qui joue sans jamais se fatiguer avec une proie tantôt consentante tantôt cabrée dans le refus.

Tout cela aurait pu faire un bon film. Mais à l’indigence du scénario, s’ajoute un traitement cinématographique manquant gravement de subtilité. En revanche, pour donner du goût à ce qui pourrait se comparer à du blanc de poulet brut d’emballage, le cuistot n’a pas lésiné sur la sauce. Du sang, du sexe, des antidépresseurs, du Viagra, du vin, des dialogues catégorie « qui font mouche » et un brin vulgaires, autant d’ingrédients qui abondent pour que l’on oublie la vacuité de l’écriture. « Mon roi » n’est qu’une épure qui dégouline d’adjuvants en lieu et place d’une intrigue aux abonnés absents.

Quel dommage. L’épaisseur de jeu des deux acteurs comme celle, assez juste du reste, d’un acteur secondaire comme Louis Garrel, nous interpellent, mais la carence est têtue et l’enveloppe bien trop fine.

Il y aurait pourtant plusieurs films à faire, sur ces hommes ou femmes, qui empoisonnent jusqu’à la destruction la vie des autres. Face à eux, nous expliquent les psychologues, la seule solution (dans un monde sans baffes) est la fuite.

"Mon roi" sur Internet. Photo: PHB/LSDP

« Mon roi » sur Internet. Photo: PHB/LSDP

Chacun d’entre nous a été plus ou moins proche de ces êtres venimeux et satisfaits que sont les « pervers narcissiques », aux antipodes des « ingénus altruistes ». On connaît des situations ainsi vécues par des témoignages, lesquels hélas ne manquent pas.

En général et dans la vraie vie, on observera que ces situations plus ou moins étalées dans le temps comportent un début et une fin avec entre les deux, un fil de funambule mal tendu ou piégé. C’est bien là, dans ces trois points qui feront toujours un triangle ou une ligne continue, que le bât blesse dans « Mon roi ». Sans fin, comme dirait l’autre, il n’y a pas de début et donc pas d’histoire. Le film de Maïwenn n’est pas davantage qu’une tranche de cinéma échappée d’un projet inabouti.

PHB

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2 réponses à « Mon roi » est nu, faute de vrai scénario

  1. person philippe dit :

    Des films cannois sortis et primés, je vous conseille « Chronic » de Michel Garcia… Dans cette oeuvre belle et éprouvante,Tim Roth est extraordinaire. Il méritait mille fois le prix d’interprétation plutôt qu’un Lindon Moustachu dans le film infâme de M.Brizé… qui traite du problème des vigiles à 95 % noirs et smicards en prenant un acteur blanc de bonne famille (celle du nouveau président du Festival, tiens, tiens !) entouré d’acteurs non professionnels (et donc défrayés au minimum syndical tarif acteur)

  2. de FOS dit :

    Philippe, permets moi de trouver ta critique un peu sévère. Je me suis laissé prendre au jeu du venimeux Vincent. Depuis Swan, il a trouvé sa voie… et ses palmes (il méritait lui aussi le prix d’interprétation). C’est le genre d’être pour lequel on dit qu’il eut mieux valu se casser le bras que le rencontrer. Pauvre Emmanuelle, elle s’est cassé le genou… mais après !
    Quant à dire qu’il n’y pas de fin, je ne partage pas ce point de vue. Le regard que les deux protagonistes s’échangent in fine dans le bureau du pédopsychiatre et de l’enseignante ( ?) vaut solde de tout compte conjugal : Emmanuelle Bercot, passée de l’autre côté du miroir, ne voit plus du séducteur que sa belle mécanique dont elle salue, amusée, la performance avec une forme de mépris. Une interprétation qu’accrédite le générique de fin de projection, ce “Mon roi“ occupant l’espace qui peu à peu se réduit comme peau de chagrin, substantif ô combien approprié.

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