Dans le cadre du Festival d’Automne, tg STAN, De KOE, Dood Paard, Maatschappij Discordia, quatre compagnies flamandes et néerlandaises, se retrouvent pour présenter « Onomatopée », un ovni théâtral, c’est le moins que l’on puisse en dire.
Cinq acteurs habillés en garçons de café se tiennent à l’étroit sur un petit bout de scène, occupés à fumer, à se mouvoir sans raison ou à ne rien faire, tout en regardant les spectateurs prendre place dans la salle, n’hésitant pas à échanger quelques mots avec eux – l’abolition du quatrième mur et l’adresse directe au public sont une caractéristique de ces collectifs –.
Pendant ce temps défilent au-dessus d’eux des phrases dont le sens n’est pas toujours évident, voire totalement abscons, et dont le lien entre elles semble inexistant. Ces lignes, parfois dignes de l’écriture automatique des surréalistes, finiront par disparaître et laisser place à une banderole sur laquelle est écrit tel un slogan : « L’élan spontané a disparu de l’environnement néolibéral que la société est ( après tout ) devenue à présent. »
Puis, sans que le spectateur sache vraiment à quel moment la fiction prend le dessus sur la réalité – un des comédiens demandant sans cesse à ses compagnons « Quand est-ce qu’on commence? » -, les cinq protagonistes amorcent une grande discussion tel un débat philosophique des plus sérieux sur la pluie et le beau temps, la menthe, le sucre, le café arabica et l’eau, tout en sirotant leur thé à la menthe. A cette poésie dadaïste pleine d’humour succède une chorégraphie – muette cette fois-ci – des plus burlesques. Le capharnaüm visuel remplace alors le capharnaüm verbal. Les Marx Brothers et les Monty Python ne sont pas loin ! Nous n’en dirons pas plus pour ménager l’effet de surprise car, le lecteur l’aura compris, ce spectacle ne fait que nous surprendre de bout en bout.
Qu’en penser ? Pour qui aime être dérouté et s’éloigner des sentiers battus, c’est un véritable régal. Pour les autres, l’expérience peut s’avérer un peu plus déroutante, voire dérangeante. Ce joyeux foutoir mené tambour battant par cinq hurluberlus pourrait passer au premier coup d’œil pour une pochade, or il s’agit d’un désordre bien orchestré, comme le prouvent, par ailleurs, les monologues en anglais et allemand sur-titrés qui pourraient sembler improvisés. Quoi qu’il en soit, tous s’accorderont très certainement sur le talent des interprètes et l’originalité du propos.
L’onomatopée est « le processus permettant la création de mots dont le signifiant est étroitement lié à la perception acoustique des sons émis par des êtres animés ou des objets » nous dit le Larousse. Si l’onomatopée est directement abordée de façon absolument géniale dans un texte interprété par Damiaan De Schrijver vers la toute fin de la représentation, le spectacle va bien au-delà. Il y est question du vide, du vide du langage -parler pour ne rien dire-, de la difficulté de communiquer avec les mots, de l’existence d’autres formes de communication… Sous des apparences de légèreté et de loufoquerie, l’enjeu est fort et le sujet incite à la réflexion.
Les compagnies tg STAN et De KOE, régulièrement présentes au Festival d’Automne et au Théâtre de la Bastille, nous avaient déjà habitués depuis de nombreuses années à des spectacles hors normes. Le principe fondateur même du collectif tg STAN évoqué par son nom – S(top) T(hinking) A(bout) N(ames) – est le refus de tout dogmatisme, le rejet d’une expérimentation formelle aliénante. La place centrale de l’acteur au cœur du processus créatif se substituant à la tyrannie d’un metteur en scène et l’attachement du collectif à un répertoire le plus souvent contestataire sont également la base de leur démarche.
Ces valeurs communes à ces quatre collectifs nous ont donné des spectacles d’une grande originalité tels que « Tout est calme » de Thomas Bernhard (2002), “Sauve qui peut, pas mal comme titre” à nouveau de Thomas Bernhard (2007), « Le Chemin solitaire » d’Arthur Schnitzler (2009), « Les Estivants » de Maxime Gorki (2012) pour la compagnie tg STAN, « Qui a peur de Virginia Woolf » d’Edward Albee (2008) et « Outrage au public » de Peter Handke (2011) pour la compagnie De KOE ou encore « My dinner with André », créé en 2005 et repris l’année dernière au Théâtre de la Bastille, fabuleuse adaptation du film culte de Louis Malle qui dressait les retrouvailles entre deux vieux amis, tous deux hommes de théâtre où Damiaan De Schrijver (tg STAN) et Peter Van den Eede (De KOE) livraient déjà bataille autour d’une réflexion sur le théâtre et la vie en général.
Alors si les spectacles « décalés » ne vous font pas peur, si vous aimez être gentiment bousculés dans vos habitudes théâtrales et vous éloigner d’un discours convenu, n’hésitez pas à vous rendre au Théâtre de la Bastille pour vivre cette expérience on ne peut plus singulière. Vous ne serez pas déçus !
Isabelle Fauvel
Vu à La Scène Watteau de Nogent sur Marne. Un projet de tg STAN, De KOE, Dood Paard et Maatschappij Discordia, de et avec Gillis Biesheuvel, Damiaan De Schrijver, Willem De Wolf, Peter Van den Eede et Matthias De Koning.
Spectacle en français avec une touche européenne.
Tournée 2015 :
Du 19 octobre au 6 novembre 2015 au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris
Du 12 au 14 novembre 2015 au Théâtre d’Arles
Du 19 au 21 novembre 2015 au Bois de L’Aune à Aix-en-Provence
Du 3 au 5 décembre 2015 au Théâtre Garonne à Toulouse
J’y vais demain !
Les Tg Stan sont chez eux au théâtre de la Bastille. J’y ai déjà vu
un formidable « Scènes de la vie conjugale » et un astucieux « Trahisons » d’après Pinter
Je vous souhaite donc une belle soirée au Théâtre de la Bastille !
Ah ! Isabelle… Désolé…
Je n’ai pas marché à Onomatopées…
Grosse déception ! J’en parlerai sur le site Froggy’s Delight dimanche….
J’ai trouvé que c’était les « Branquignols » le côté popu en moins et le côté branché en plus…
Il y a aussi un côté surréaliste belge, ce qui, pour moi, est toujours problématique… un peu comme la pataphysique d’aujourd’hui…
J’ai trouvé très faible la fin avec les « poèmes »… Vivement qu’ils se recoltinent avec des grands textes… Car ils font la preuve que sans texte, à part tout casser, ils ne cassent rien…
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