Dès qu’il pleut, les très rares parisiens dotés d’un ADN de batracien agoraphobe, sortent. Et ils vont de préférence au jardin car dans les rues, la foule, même diminuée, continue d’arpenter les trottoirs avec ou sans ombrelle. Mais dans les parcs, la fréquentation chute. Sauf la faune et quelques joggeurs ou promeneurs épars, c’est l’extinction et par là-même un paradis de tranquillité.
Les Buttes-Chaumont, dont la densité de promeneurs par beau temps perturbe toute velléité rêveuse, se transforment sous la pluie en espaces miraculeux où le regard peut s’étendre à son aise. Les corbeaux et autres corneilles qui fouillent l’herbe humide, ont le ramage rendu hirsute par les gouttes qui enchaînent les flics, les flacs et les flocs.
Tout parcours, prémédité ou erratique, devient irrésistiblement fluide. Dans son approche de Velasquez, pour son histoire de l’art, Elie Faure avait rédigé un texte merveilleux qui s’applique également aux parcs et jardins par « mauvais » temps : « L’espace règne, écrivait-il, c’est comme une onde aérienne qui glisse sur les surfaces, s’imprègne de leurs émanations visibles pour les définir et les modeler, et emporter partout ailleurs comme un parfum, comme un écho d’elles qu’elle disperse sur toute l’étendue environnante en poussière impondérable ». De façon plus mercantile mais ô combien justifiée, un publicitaire avait résumé un jour dans un slogan que le « vrai luxe« , c’était l’espace.
La pluie nous restitue l’environnement dont paradoxalement le temps clément nous prive. Avec elle on accède à une sorte de poésie révélée, naturelle, élastique, vivante enfin, dont « aucun heurt, aucun sursaut n’interrompt la marche » pour citer une fois de plus Elie Faure.
Le jardin des Tuileries, du Palais-Royal, le parc Monceau ou les squares plus modestes comme Saint-Lambert, Kellerman, René Legall, tous ces espaces verts parisiens en profitent en outre pour nous délivrer leurs parfums secrets et fragrances émues, bienvenues soient les intempéries.
Sous son parapluie, le promeneur se régale. Même les gardiens se réfugient dans leur guérite. Mais la vraie protection est extérieure, elle a pris la forme d’un écrin d’eau.
PHB
« Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir/
C’est vous aussi qu’il pleut merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes/
Et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auriculaires
Ecoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique
Ecoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas »
« Il pleut ». Extrait des Calligrammes de Guillaume Apollinaire.
Cette prose et cette poésie matinales sur la pluie font immédiatement accepter le temps qu’il fait… Et lui donnent un charme insoupçonné. La journée sera bien plus belle… Merci !
Accepter le temps qu’il fait… et savourer d’être ensuite au chaud et au sec !
S’il y a une prose également pour » journées embrumées » je suis partante pour aller à la rencontre de ces silhouettes enveloppées de particules automnale……….
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