Quatre siècles après la marmite de Papin, quelques dizaines d’années suivant la cocotte-minute de nos mères, voilà que s’apprête à débouler l’auto-cuiseur connecté qui n’hésitera pas à faire résonner votre smartphone afin de vous prévenir aimablement que les carottes sont à point. Les liens entre l’invention et le design sont au cœur d’une exposition qui vient de débuter dans le ô combien propice musée des arts et métiers.
Cette scénographie met en valeur des objets utilitaires qui ne sont a priori pas censés faire tapisserie et c’est bien pourquoi ils sont mieux là qu’aux Gobelins. La réunion d’un ventilateur sans pales, d’un groupe de fusées, d’une machine à écrire, d’un lit d’appoint innovant ou d’un détecteur de mines en forme de ballon géant peut sembler hétéroclite.
Selon l’intention des organisateurs, le design n’est pas la simple « mise en forme d’une esthétique mais bien celle d’une intelligence » assertion qu’ils ont décidé de diviser en quatre thèmes (l’essentiel, l’audace, le contexte et la curiosité) afin de mieux nous guider.
Outre le ventilateur sans pales apparentes, c’est un lit à qui l’on a confié la charge de symboliser ce qui nous serait essentiel. Composé de plusieurs blocs de cartons, ce lit est destiné à l’hébergement d’urgence mais comme il est essentiel il est aussi adaptable et peut se transformer à la guise de l’hébergé en table ou tabouret. Sa conception modulable n’indique donc pas sa fonction comme un marteau ou une théière pourraient le faire. Cette exposition fait justement l’impasse sur la capacité éventuelle d’un objet à être détourné, ce qui peut-être le cas d’une chaussure pour planter un clou alors qu’il serait bien difficile de se chausser avec une paire de marteaux.
Cette manifestation donne à réfléchir sur les artefacts qui nous entourent. Ainsi, dans l’environnement immédiat de l’auteur de ces lignes, se trouvent un ordinateur portable, un téléphone, une clé USB ou un briquet à double usage de donneur de flamme ou de lumière et ils se tiennent à portée de main pour parer à toute urgence.
S’il fallait désigner une seule des inventions présentées pour donner au lecteur des Soirées de Paris l’envie d’aller traîner aux Arts et Métiers, ce serait possiblement le Mine Kafon, un genre de ballon géant à même de détecter et de faire exploser les mines sournoisement dispersées dont on ne compte plus les victimes innocentes à travers le monde. Ce grand ballon de deux mètres d’envergure a été inventé par un Afghan, Massoud Hassani. On dénombre plus de vingt mille personnes blessées ou tuées par les mines rien qu’en Afghanistan.
Ces « regards croisés » entre l’invention et le design n’étant pas très spectaculaires, il y a lieu de bien intégrer la réflexion ayant servi de préalable pour en profiter et s’instruire. Son avantage non écrit est de nous inviter à jeter un œil et même les deux sur les collections permanentes du musée qui s’inscrivent parfaitement dans l’idée générale, au point que l’on pourrait parler de mise en abyme, comme il est d’usage d’écrire dans les suppléments littéraires de la presse distinguée.
Ce musée est un endroit merveilleux pour se distraire avec le génie des hommes et parmi ses pièces cette fois spectaculaires dont il est bien difficile de se lasser, il y a le Fardier de Cugnot, première automobile répertoriée dans le monde ou encore le tricycle vapeur Serpollet. Ces deux-là enterrent sans peine l’affreux Vélib’b également exposé et dont il est légitime de se demander s’il sortira un jour de l’âge ingrat, comme quoi le design a ses impairs.
PHB
Invention & Design Regards Croisés jusqu’au 6 mars 2016. Musée des Arts et Métiers.
Ping : L’agenda choisi des vacances | Les Soirées de Paris