Comme s’il usait d’un gri-gri, Bruno Podalydès a coutume d’insérer dans ses films une mini-séquence où il se prend les pieds dans une glaviole, sorte de bouse en métal qui ne sert à rien. Dans « Comme un avion » tous les ingrédients habituels du réalisateur et comédien sont là, y compris ses comparses habituels que l’on a connus bien plus jeunes. Sandrine Kiberlain et Agnès Jaoui s’ajoutent pour une fois à ce que la gastronomie cinématographique française compte de mieux.
Hormis un film « Liberté Oléron » un peu raté dans sa deuxième moitié, le travail de Podalydès est toujours impeccable. « Comme un avion » s’inscrit dans cette veine. Il est un savant mélange d’humour, de poésie, d’effets surréalistes qui sur ce coup perd un peu en poivre ce qu’il gagne en sucre mais le dosage comme la cuisson en fait un mets délectable à maints points de vue.
C’est l’histoire d’un type à ce point passionné d’aviation historique qu’il finit par opter dans une grande logique, via les joies du palindrome, aux joies du kayak. Sa femme (Sandrine Kiberlain) l’encourage à vivre son nouveau truc sur une rivière et le voilà parti, équipé entre autres choses, du manuel des Castors Juniors de son enfance.
Sur sa route fluviale qui n’excédera pas quelques kilomètres, il va stopper devant une auberge tenue par Laetitia (Agnès Jaoui) et peuplée de doux rêveurs dont une jolie serveuse (Mila). Ce n’est certes pas un film d’action mais un bel enchaînement de loufoqueries, un rien potaches, que nous offre ici Podalydès.
Cadre spécialisé dans l’imagerie 3D, Michel s’échappe donc sur ce kayak sans ailes qu’il a monté lui-même. Il nous entraîne dans son sillage tranquille, prenant ses distances avec la routine et les tourments de la vie moderne, pagayant de la réalité au rêve, folâtrant au fil des coudes de la rivière et nous avec, entre innocentes embûches et désirs occasionnels.
Veuve, Laetitia tombe sous son charme, on le comprend à travers un échange de regards assez bien vu, qui n’est pas sans rappeler une scène équivalente entre Lanvin et Jaoui dans « Le goût des autres ». Parfaitement interprétée par Agnès Jaoui, Laetitia l’invite à la rejoindre dans sa chambre en semant des Post-it depuis la salle de bain jusqu’à la pointe de ses seins et en passant par un bol de café.
Il y a dans ce nouvel opus une pointe de romantisme que l’on ne connaissait pas à Podalydès. Son principal protagoniste se laisse aller à profiter d’un bout d’existence réel et irréel ponctué de rencontres savoureuses, à l’exception d’un monsieur irascible joué par Pierre Arditi. Comptez également sur une scène érotique, à la fois chaste et osée, inhabituelle, à laquelle le réalisateur a voulu renoncer mais c’est finalement Agnès Jaoui qui l’a convaincu de la tourner.
Tout cela est assez joli, très souvent drôle avec quelques interventions musicales choisies parmi le répertoire de Charlélie Couture, Alain Bashung et Georges Moustaki. Son frère Denis est également présent dans un second rôle. Avec des spectateurs souvent conquis à l’avance, on peut dire que toute la famille est réunie en support de cette équipée pleine de charme.
PHB
Précision pour Benoît : la serveuse est Vilama Pons. Elle est éclatante. C’est la « star » de demain du cinéma français. Sa présence illuminait déjà « Le » film de l’année, « Vincent n’a pas d’écailles »de Thomas Salvador.
Tous ceux qui aimeront « Comme un avion » auraient aimé « Vincent n’a pas d’écailles », Philippe le premier… Je lui dira aussi que la référence de « Comme un avion » est à chercher du côté du « cinéma français paresseux », celui d’un Seria ou d’un Faraldo, malheureusement décédé dans l’oubli… alors qu’il a fait des films formidables (Themroc, Bof…)
Pour moi qui aime faire aimer avant toutes choses, le fait que « Vincent » n’ait pas eu le succès mérité me peine. Je suis un passeur, ceux qui me lisent sur Froggy ne l’ignorent pas. Si aller à contre-courant du brouhaha médiatique est une tare. Désolé Benoît, mais je suis un taré…
Et longue vie à la belle et lumineuse Vilama Pons !