Afin de bien marquer sa sympathie à l’égard des gastéropodes, Mario Chichorro s’est couvert la partie dégarnie de son crâne de quelques escargots vivants. Il aime ces animaux toujours chez eux et que l’on peut suivre à la trace. Pour l’heure, il expose ses œuvres vivantes sur les murs de la galerie « D’un livre l’autre ». Chacune attrape le regard comme un roman gravé dans l’expression plastique.
L’une de ses matières de prédilection est le polyuréthane qu’il façonne, creuse, gave, orne et peint. La caractéristique troglodyte du support leur permet d’abriter moult personnages entiers ou partiels, du visage au corps entier et qui quelquefois s’enchevêtrent.
Décidément l’architecture mène à tout sauf à l’architecture qu’il abandonné en 1968 pour se consacrer à la peinture. Il en a réalisé près de 3500 à l’aide de multiples techniques allant de l’huile sur toile au polyuréthane extrudé en passant par la résine synthétique ou encore des tissus collés.
Il se revendique « primitif, baroque, humoriste, pompier » et même « anéanti politique , saboteur culturel, anarchiste doux, humaniste distancié » et jusqu’à « peintre » tout court. Toutes ces étiquettes témoignent en fait d’une grande liberté dans son approche créative. Ce Portugais né à Torrès Vedra en 1932 est aussi pour « l’irrévérence, l’insubordination, la folie ». A celui qui débuterait il lui conseille selon une liste personnelle de dix commandements de se « prendre pour le Bon Dieu».
Moyennant quoi, dès l’entrée de la galerie, la première œuvre accrochée happe l’attention. Tous ces personnages imbriqués dans leurs alvéoles se regardent les uns les autres sans schéma directeur évident. Chaque visiteur est libre de tisser son parcours optique à sa guise et même de recommencer dans un ordre différent ce qui peut conduire à un jeu sans fin.
En préambule du catalogue, Mario Chichorro est décrit comme un artiste « roman égaré dans ce siècle » qui appartiendrait dès lors à la famille des « médiévaux contemporains ».
Pourquoi pas, sauf à se demander qui sont vraiment les égarés de notre époque et c’est bien ce genre de question qui se pose à nous devant ses réalisations plus grimaçantes que souriantes, agissant dès lors, comme d’hypnotiques miroirs déformants.
PHB
Jusqu’au 28 août, à la galerie « D ‘un livre l’autre » au 2 rue Borda dans le troisième arrondissement.