Au début du XVIIème siècle, en Italie, Galileo Galilei, illustre professeur de mathématiques à l’université de Padoue, apprend l’existence d’une lunette hollandaise qui permettrait de voir de plus près des objets éloignés. Poussé par son insatiable curiosité, le savant italien décide alors d’améliorer ce « tube ». Il le rend plus performant et créée ainsi la première lunette astronomique, instrument permettant d’observer les étoiles invisibles à l’œil nu. Sa vie est actuellement mise en scène au théâtre Monfort.
Quelques mois plus tard, le 10 janvier 1610, Galilée fait une découverte décisive, remettant par là même en question deux mille ans d’astronomie : il remarque quatre petites étoiles à côté de Jupiter, les satellites de Jupiter, qu’il nommera « étoiles Médicéennes » en hommage à Côme II de Médicis, son protecteur. Pour Galilée, Jupiter et ses satellites sont un modèle réduit du système solaire. Il pense ainsi pouvoir démontrer que les « boules de cristal » d’Aristote n’existent pas et que tous les corps célestes ne tournent pas autour de la Terre. Aristote et Ptolémée se seraient trompés ! Le Soleil est au centre de l’Univers et la Terre tourne autour de lui, clame-t-il haut et fort, reprenant la théorie de l’héliocentrisme chère à Copernic.
Mais alors si la Terre n’est plus au centre du système céleste et le Saint-Siège au centre de la Terre, où se situe Dieu dans ce nouvel ordre de l’Univers ? Les prises de position de Galilée vont se heurter à la puissance de l’Eglise et le conduire devant l’Inquisition. En 1633, le savant se verra dans l’obligation d’abjurer ses théories. Cette rétractation ne l’empêchera cependant pas de travailler en secret à la rédaction de ses Discorsi, son œuvre ultime.
Dans cette biographie théâtrale de Galilée, Jean-François Sivadier – et Brecht avant lui – choisit de nous montrer un homme dans la force de l’âge, loin de l’image stéréotypée du vieillard à barbe blanche. En effet, Galilée (1564-1642) a 46 ans lorsqu’il découvre en l’an 1610 un ciel différent de celui unanimement reconnu et bouleverse ainsi l’ordre du monde. L’astronome italien est interprété par Nicolas Bouchaud, immense comédien à l’énergie démesurée, qui fait de ce Galilée un personnage bouillonnant, isolé dans un monde aristotélicien et obscurantiste, voué corps et âme à la science et à la lutte pour la vérité. Le comédien est entouré de sept partenaires – cinq hommes et deux femmes – qui à eux seuls interprètent tous les personnages de la pièce. Ce parti pris d’une distribution restreinte accentue ainsi l’effet de distanciation déjà instauré par le jeu des acteurs à travers leur adresse au public.
La scénographie fait preuve d’une grande simplicité : un gigantesque plateau en bois clair incliné composé de trappes et de saillies diverses, un ballon en plastique bleu symbolisant la Terre. Sous des lumières chaudes et mordorées, l’ensemble est du plus bel effet.
A la fois historique et scientifique, cette pièce habilement construite pourrait, au premier abord, dérouter par le sérieux et la complexité de son sujet ainsi que par sa durée. Or, l’alternance de scènes graves, poétiques et burlesques, dans une langue parfaitement fluide, nous la rend très facile d’accès. Notons la très belle entrée en matière avec ce jeu de mimes entre Galilée et son élève Andréa, la digression burlesque sur le doute – « Le doute est le père de la création » disait Galilée -, les scènes poétiques au son de la musique de Nino Rota ou sur l’air de Que Sera Sera fredonné par la jeune Virginia dans sa robe de mariée…
Un seul petit bémol : emportés par leur énergie, certains acteurs crient par moments, ce qui est dommage…
Brecht écrit « La Vie de Galilée » en 1938-1939 lors de son exil au Danemark. C’est une pièce centrale de son œuvre car il ne cessera de la remanier pendant des années. On peut y voir un autoportrait de l’auteur allemand (1898-1956) luttant face à l’Allemagne nazie qu’il a dû fuir en 1933. Brecht, tout comme Galilée, lutte contre la dictature de la pensée unique, Hitler pouvant être comparé à la Sainte Inquisition. A travers sa pièce, il nous parle de son propre rapport à l’autorité en place et de son combat pour l’amour de la vérité.
« La Vie de Galilée », dans la mise en scène de Jean-François Sivadier, a été créée au Théâtre National de Bretagne en janvier 2002 et n’a cessé depuis d’être représentée. Elle se joue actuellement au Théâtre Monfort jusqu’au 21 juin.
Isabelle Fauvel