La collection parlante de Jean Bonna

Ouvrage de la collection Jean Bonna à la Bibliothèque de l'Arsenal. Photo: LSDPLe bibliophile amateur y risque tout simplement l’orgasme incontrôlé. La collection Jean Bonna, exposée depuis le 20 avril et jusqu’au 23 mai à la Bibliothèque de l’Arsenal, dévoile un échantillon de sa très vaste collection. Du premier texte littéraire imprimé en français (La Mélusine), à Rabelais, Montaigne, Flaubert, Sade, Apollinaire, Céline, Rimbaud, Ronsart, les ouvrages révélés ici sont étourdissants par leur rareté, émouvants par leurs dédicaces tout à la fois étonnantes et précieuses.

Parmi les choses qui ne manqueront pas d’interpeller le visiteur, il y a un exemplaire d’une édition originale de « Mort à crédit » que Louis Ferdinand Céline a adressé en 1936 à l’écrivain Max Jacob en service de presse. On le sait car sur la couverture figure la mention « Max Jacob, prêté à regret ». Cette sorte d’échange entre l’antisémite déclaré et l’ex-juif mort à Drancy converti au catholicisme en 1915, exhale sur ces quelques mots un curieux piment.

Mais quel régal que cette exposition. Quel festival de signatures comme Flaubert dédicaçant son « Madame Bovary » à Baudelaire écrit avec un « e » de trop barré, une autre de Rousseau à son « ami » Diderot, l’hommage « respectueux » de Blaise Cendrars à Apollinaire (les Pâques), un exemplaire d’Alcools dédié à Marie Laurencin « Mon alambic ce sont vos alcools), un exemplaire de Case d’Armons (Apollinaire) expédié à Madeleine Pagès (la fiancée d’Oran)… l’ex banquier suisse Jean Bonna (Banque Lombard Odier Darier Hentsch) se faisait indéniablement quelques plaisirs avec ses émoluments.

Exemplaire d'Alcools dédié à Marie Laurencin. Collection Jean Bonna. Photo: LSDP

Exemplaire d’Alcools dédié à Marie Laurencin. Collection Jean Bonna. Photo: LSDP

Comment ne pas être confondu par cette richesse livresque. Jean Bonna est réputé posséder une des belles parmi les bibliothèques privées détenues dans le monde, avec quelque trois mille textes originaux. Sa collection est l’œuvre de toute une vie commencée en 1945.

La Bibliothèque de l’Arsenal « lieu de tradition littéraire et bibliophilique » faisait figure de lieu idéal pour ce divin étalage. Dans cette ancienne résidence des grands maîtres de l’artillerie, le Marquis de Palmy s’appliqua dès le XVIIIe siècle à rassembler des collections de son temps. C’est là aussi que fut créé au XIXe siècle le Bulletin du bibliophile.

L’ambiance ici est délicieusement silencieuse,  savante et distinguée, bien loin des grandes expositions qui se concurrencent parfois de façon tapageuse. La Bibliothèque de l’Arsenal fait dans l’érudition feutrée. Des livres ouverts de Ronsard ou de La Fontaine nous scotchent littéralement avec leurs typographies et illustrations anciennes. Le « Roi Ubu » d’Alfred Jarry, une splendide gravure de Derain pour l’Enchanteur Pourrissant, la somme des auteurs réunis ici pourrait faire ici un peu décousue si ce n’était le lien original qui les lie et plus encore le paraphe de certains auteurs qui nous parlent directement au cœur.

PHB

Jusqu’au 23 mai, 1 rue de Sully Paris 4e. Du mardi au dimanche, de dix heures à dix neuf heures. Sur les Soirées de Paris et sur le même thème.

Ouvrage de La Fontaine. Collection Bonna. Bibliothèque de l'Arsenal. Photo: LSDP

Ouvrage de La Fontaine. Collection Jean Bonna. Bibliothèque de l’Arsenal. Photo: LSDP

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Une réponse à La collection parlante de Jean Bonna

  1. mister k dit :

    bel article sur la magnifique bibliothèque de ce grand bibliophile

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