Le musée Picasso contient deux petites merveilles pour qui s’intéresse à l’écrivain Guillaume Apollinaire. Un projet de sculpture en deux versions qui aurait dû trôner dans le square qui côtoie l’église Saint-Germain des Prés. Une œuvre que ses amis ont refusée en bloc. Moyennant quoi c’est une tête de Dora Maar qui sert de monument au poète, sujet du verbe qui n’a rien à voir avec l’objectif de mémoire, si ce n’est qu’il a été réalisé par Picasso son ami le plus intime.
Ce projet en fil de fer, merveilleux de modernité et d’audace, a été exécuté en 1928. L’artiste avait d’abord été pressé de réaliser un monument en guise de pierre tombale après la mort d’Apollinaire en 1918. Mais las d’attendre, c’est finalement un autre ami de l’écrivain, Serge Férat (1), qui a dessiné à la hâte ce modeste mausolée toujours visible à la 86e division du Père Lachaise.
C’est en 1959 qu’est inauguré le buste de Dora Maar (amante et muse de Picasso) dédié à Apollinaire au milieu du square Laurent Prache. Comme l’a raconté Gérard Goutierre dans les « colonnes » des Soirées de Paris, cette œuvre a été l’objet d’un fait divers invraisemblable (2). Elle est surtout le résultat d’une résistance fort contestable, des amis de Guillaume Apollinaire ainsi que de sa femme Jacqueline, au projet sur lequel Picasso travaillait depuis longtemps. Trop moderne, dérangeante, elle ne trouvait pas leur agrément et la livraison du buste de Dora Maar est sûrement, de la part de Picasso, une façon de les envoyer aimablement aux fraises.
Pourtant, s’il avait pu, Apollinaire, n’aurait sûrement pas renié le projet dont on peut gager qu’il correspondait à ce qui nourrissait chez lui l’admiration pour son ami artiste. L’amitié entre les deux hommes a survécu à tout, nonobstant un moment pénible, maintes fois repris, durant lequel Picasso aurait été frappé d’amnésie devant la police alors qu’il s’agissait de défendre Apollinaire bientôt emprisonné une semaine à la Santé pour une sombre histoire de statuettes volées.
D’autre part, lors de la mort de l’écrivain en 1918, Picasso a été tellement choqué qu’il a réalisé le soir-même son dernier autoportrait où la stupeur ressort de façon phénoménale. Enfin, il a été rapporté par son cardiologue que bien longtemps après, en 1973, jour de son propre décès, le nom d’Apollinaire revenait dans la bouche de celui qui ne l’avait pas oublié.
Deux livres passionnants sont sortis sur les deux hommes. L’un de Peter Read, l’un des grands spécialistes de l’écrivain, qui détaille notamment la vaine dispute autour du projet de monument voué à Apollinaire et aussi, un extraordinaire livre recensant leurs correspondances, signé Pierre Caizergues et Hélène Seckel.
Ce dernier ouvrage est intéressant en ce qu’il montre l’ordinaire d’un relationnel de deux hommes qui se portaient une amitié profonde, au-delà de leurs connivences artistiques. Il se trouve que l’ouvrage contient plus de lettres de Picasso que l’inverse, mais sauf erreur, cette différence est due à l’une des femmes de Picasso qui aurait déchiré les précieuses missives dans un mouvement de colère.
Avec l’orthographe d’origine, Picasso lui écrit de Céret le 9 août 1911, « Mon cher ami Pourquoi tu ne donnes pas de tes nouvelles. ecris moi j’ai lu au Matin une nouvelle de toi tres belle. Je t’aime beaucoup et t’embrasse ». Les lettres de Picasso à son ami sont de surcroît souvent ornées ce qui les rend d’autant plus précieuses.
« Ton Guillaume Apollinaire, « Ton vieux frère », voilà comment signait en retour son correspondant.
C’est nanti de ces informations que l’on considérera différemment les deux sculptures abritées par le Musée Picasso. « Las de ce monde ancien », Apollinaire n’aurait certainement pas voulu d’un monument par trop classique en sa mémoire. La poésie magistrale du projet, dans son approche contemporaine pour l’éternité, ne pouvait que seoir à l’auteur d’Alcools, désormais établi dans une zone inconnaissable pour nous.
PHB
(1) Serge Férat est un artiste peintre mais aussi le mécène (avec la baronne d’Oettingen) et le directeur artistique des Soirées de Paris.
(2) L’article de Gérard Goutierre contenant la petite histoire du buste de Dora Maar
D’accord avec vous: Apollinaire aurait aimé!
Chaleureusement,
Lise Bloch-Morhange
Bonjour monsieur Philippe Bonnet
C est aimable à vous de parler de Serge Ferat : ne à Moscou 1881 mort à Paris 1958 Ami proche et fidèle depuis 1911 -1912 d’Apollinaire
En effet Le monument conçut par le peintre cubiste Serge Ferat (sorte de menhir en granit brut érigé vers le ciel (clin d ‘ œil sans doute a la puissance évocatrice des mythes chers au Merlin (transfigure en l’Enchanteur pourrissant ) tombe gravée de calligrammes du poete ouverte fleurie avec de la vraie terre de vraies fleurs et un chapalu qui passe chaque jour rendre silencieusement hommage au grand poete
Il est utile d ‘informer que Serge Ferat a eu l ‘élégance de régler :(malgré la révolution Russe qui l ‘a privé de sa fortune );les frais de sépulture petit a petit durant quarante années .
voila une amitié fidèle et sans retour .
Page 269 de l ‘ ouvrage passionnant de Peter Read :Picasso Apollinaire
Il est bien indiqué que c ‘est bienPicasso qui a choisi lui – même et proposé à Jacqueline la tête de Dora Maar magnifique Muse et qu’après il a réalise qqs planches sur carton de projets « style fil de fer »
1955
Picasso détestait la mort voila peut être une hypothèse a développer
Merci de votre attention
Ravary
Merci monsieur Philippe Bonnet Pour la mémoire de Serge Ferat que vous citez avec raison dans votre article et qui est souvent injustement occulte dans l ‘histoire de l ‘art (peut être a cause de
pseudonymes qui ont pu brouiller les pistes
conseille par son ami Guillaume Apollinaire lui meme (ne de Kostrowisky son nom russe est difficile à prononcer
C est à la fois Serge Jastrebzoff Il est Aussi le Jean Cerusse qui finance la revue les soirées de Paris ( 2 eme série )(celle qui montre les œuvres de Picasso Braque et de tous les artistes d ´avant garde mis en avant en image) dont vous soulignez qu il en a été le Directeur artistique soit période de 1912 Jusqu’a la guerre Comme peintre Édouard Ferat et enfin à partir de 1913 Serge Ferat le peintre cubiste reconnu
Ses œuvres acquises par le musée d ‘art moderne par le biais de Jean Cassou qui admirait et son œuvre et l homme .(ses oeuvres figuraient dans les années 1960 en bonne place au musée d art moderne de la ville de Paris j ai pu les admirer de visu .
Le 13 novembre 1918 jour des obsèques du poete ;Max Jacob et Serge Ferat se tiennent auprès de Jacqueline Apollinaire et de la mère du poete
Suivis de Pablo Picasso et de tous les artistes
Serge Ferat s était charge des obsèques d Apollinaire et avait payé de ses propres deniers la sépulture acquise en 1920 puis en 1935
a la demande de Jacqueline il a dessiné Et fait réalisé par le marbrier Tayssedre un monolithe en granit a la mémoire de son ami qui aimait les légendes celtiques ( l reference « (a l ‘Enchanteur pourrissant « )et les alignements de Carnac
Au pied du monolithe figure sont graves des vers de calligrammes et cœur couronne et miroir .Serge Ferat avait proposé initialement « la colombe poignardée le le jet d ‘eau « le monument est mis en place en 1935 ( le premier devis datait de 1921 ) Serge Ferat reglera régulièrement les factures sur de très nombreuses annees
Serge Ferat ecrit a l un de ses nombreux amis artistes que « La mort d Apollinaire avec lequel j etais tres ami a creuse un immense trou dans ma vie .Quel malheur d etre né dans une aussi affreuse époque ou tout est entrave par la connerie universelle « .
Si vous souhaitez mieux découvrir cet artiste et son oeuvre Lire le beau livre de Jeanine Warnod
Serge Ferat « un cubiste russe à Paris « édition Conti
Serge Ferat a pris la nationalité francaise il fut prive de ses biens lors de la révolution bolchevique A donc eu un revers de fortune
Il n est jamais retourné en Russie pendant la guerre de 1914 s est engage Volontaire comme infirmier (il a bande lui meme la blessure du grand poete a l hôpital italien ou il a fait admettre son ami )Serge Ferat a vécu de la vente de ses oeuvres jusqu ‘en 1958 . Ne pas s étonner que Serge Ferat ne figure pas sur les photos le jour de l inauguration Aupres de jean Cocteau Salmon et Jacqueline De l ‘oeuvre magnifique de Picasso qui a été longtemps aussi son ami l
Hommage a Apollinaire (square Laurent Prache le 5 juin 1959 ). Ce n est pas de sa volonté il en est tout excuse Il était tout simplement mort en 1958
Je vous remercie de votre attention
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