Le grand nulle part quelque part à Aubervilliers

Aperçu du spectacle sur le mur d'images Google. Photo: LSDPAu début, on feuillette le livret. On essaie de se donner envie. Pas évident, le meilleurs des théâtreux n’est pas forcément le meilleur des communicants. A la Commune d’Aubervilliers, jusqu’à l’an dernier, je pouvais compter sur le directeur d’alors, Didier Bezace, c’était du théâtre  intelligent, du théâtre plaisir, je m’abonnais les yeux fermés.

Avec Marie-Josée Malis, nous en sommes aux préliminaires. Au début, bien sûr, on feuillette le livret. On essaie de se donner envie. Pas évident. La pièce s’appelle «Et balancez mes cendres sur Mickey». « Chez Rodrigo García,  c’est au scandale de nos existences mutilées, coupées de toutes émotions, relations et vérités que s’attaque violemment Et balancez mes cendres sur Mickey. Chez Rodrigo García la poésie est un sport de combat, une lutte où les mots se joignent aux corps pour mieux riposter. Saluée comme une œuvre de la maturité, la pièce montre sans fards les modes d’être – ou plutôt d’inexistence – qu’induit la société de consommation. La mise en forme, quasi rituelle, de l’individualisme de masse est d’autant plus frappante qu’elle se double d’une profonde mélancolie : prise entre la solitude des villes et l’artificialité d’une nature en toc, l’humanité aurait-elle vendue son destin ? » C’est le livret de présentation de la saison au Théâtre de la Commune à Aubervilliers.

Les mots peuvent choquer. Les mots sont aussi là pour ça, pour remettre en question l’ordre établi, pour gratter là où ça fait mal.  Mais les mots doivent être aussi faits pour être lus ou être dits c’est-à-dire écoutés. Les mots deviennent théâtre, enfin non pas tout à fait, il y a un  décor et dans  le décor des comédiens qui font vivre les mots. Des personnages qui deviennent les mots.

Mais tout ça doit avoir un sens pour communiquer avec le public. Que les acteurs grouillent, courent comme chez Mnouchkine ou  qu’ils soient statiques comme dans « le Roi se meurt », peu importe, ils portent la pièce comme le public les porte.

Le texte de « Et balancez mes cendres sur Mickey », dit en espagnol et projeté en français, un texte profondément nihiliste, est intéressant, il mérite que le spectateur s’y attache et non pas qu’il se noie, trop occupé à faire le voyeur. Et côté voyeurisme, le public a de quoi voir !

Un premier comédien se déloque s’arrose de miel, je ne pourrais affirmer qu’il y aurait une symbolique contre les insecticides qui tuent les abeilles, ensuite il est recouvert de pain de mie, je ne saurais affirmer qu’il a un rapport avec l’usage industriel de l’huile de palme. Une comédienne arrive et se dessape. Elle aussi se lubrifie avec du miel, nos deux amis s’en iront se changer reviendront donner un simulacre de jeu sexuel, je fais court.

A un moment une jeune comédienne arrive. Enfin comédienne ? Elle va se faire tondre pour de vrai et sans mot dire. Un rôle unique puisque je suppose qu’à chaque représentation une nouvelle personne vient elle aussi subir les attaques de la tondeuse.  Une scène violente dans ses sous entendus. Trop violente.

L'affiche du spectacle sur le mur d'images Google. Photo: LSDP

L’affiche du spectacle sur le mur d’images Google. Photo: LSDP

A un moment, un comédien va jouer avec des souris. Euh enfin jouer ! Il les jette dans un aquarium. En guise de happening, tout ce petit monde se jette dans un grand bac empli de peinture blanche, ressort, saute en l’air et retombe violemment à m’en faire mal aux fesses. Une caméra vidéo montre deux grenouilles tenues en laisse pataugeant dans la peinture. Cela dit, je pense à « Seuls », de Wajdi Mouawad, comme quoi un chef- d’œuvre peut naître d’un bain de couleurs. Je suis au premier rang ma voisine me fait signe de remonter la bâche    pour nous protéger  des éclaboussures. Tout ça me fait penser à Avignon, et certains spectacles « trash » portés par le « off ».

Sauf que l’on est loin du fourmillement théâtreux de la Cité des Papes.

Sauf que démarrer une nouvelle saison d’une nouvelle équipe par deux pièces en langue espagnole me semble déjà discutable, y rajouter un n’importe quoi visuel est de surcroît contestable.

Bruno Sillard

EXTRAITS

Derrière ce lien, un premier extrait de « Et Balancez mes cendres sur Mickey »  de Rodrigo Garcia par la Compagnie RADAR, intéressant pour  le texte. Les deux extraits qui suivent sont ceux de la mise en scène donnée à La Commune.

« Et Balancez mes cendres sur Mickey »
Texte et mis en scène par Rodrigo García
Théâtre de La Commune d’Aubervilliers
Jusqu’au15 Février 2015 (En espagnol sous-titré)

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3 réponses à Le grand nulle part quelque part à Aubervilliers

  1. Steven dit :

    C’est vrai que le texte de l’extrait « autour du lac » est intéressant et même drôle mais bon c’est dix minutes. S.

    • Bruno Sillard dit :

      Il semble que la compagnie Radar privilégie le texte qu’elle joue en Français, on a envie de continuer la vidéo !

  2. Flourez BM dit :

    Il y a aussi, derrière cela, un questionnement sur le théâtre et l’art en général, indépendamment de la valeur que peuvent avoir les œuvres.
    Comme il est très bien dit ci-dessus par Bruno Sillard : « Les mots peuvent choquer. Les mots sont aussi là pour ça, pour remettre en question l’ordre établi, pour gratter là où ça fait mal. » Il y a donc en effet une pratique artistique que l’on pourrait qualifier de « sociale », où l’art fait un lien entre nous : certains s’expriment et dérangent certains, font voir autrement, questionnent, etc.
    Et il y a une autre pratique qui consiste à chercher, par soi-même, ce qu’est l’homme, le monde, la beauté, etc., sans forcément chercher à être dans un conflit, une opposition, choquer, déranger, etc.
    Je crois que sur ce site qui affectionne particulièrement Apollinaire, on peut dire que ce poète a cherché, par exemple, « la bonté qui va venir » et n’a pas fondé son art sur le fait exclusif d’épater le bourgeois même si parfois ces poèmes ont pu « déranger » l’opinion artistique de son temps.
    Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a et ce qu’il est. Peut-être qu’un jour M. R. García cessera d’être un ado révolté contre… contre qui déjà ?

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