A Shanghai, une femme élégante d’une cinquantaine d’années promenait son chien dans le quartier chic de Duolon Lu. Ce quartier nord de Shanghai, restauré récemment, a été le fief dans les années 1930 d’un cercle littéraire d’écrivains chinois de gauche. Gageons qu’ils auraient vu rouge en apercevant le terrier de Madame habillé d’un pantalon de velours marron, d’un sweat rose avec capuche et ses pieds chaussés de baskets à lanières argentées.
Sa propriétaire, en revanche, a été flattée que je m’intéresse à sa merveille. Comme elle était sympathique, j’ai posé la question qui me démangeait à la vue des nombreux toutous vêtus comme des enfants à Shanghai. « Pourquoi habillez-vous votre chien ? ». Sa réponse a été sans ambiguïté : « Comme ça, je vois moins que c’est un chien » !
A Suzhou, une jeune-femme faisait prendre l’air à son pékinois dans une poussette pour chien (oui, ça existe en Chine). Cela ne faisait sourire personne sauf l’Occidentale que je suis. Elle souriait toujours, mais plutôt jaune, en constatant que dans les quartiers chics des grandes villes, les immeubles ont tous un service de garderie et une boutique de vêtements pour le petit dernier (canin) de la famille.
Mais que se passe-t-il dans l’Empire du milieu ?
On pensait la Chine encore adepte de cette pratique barbare qu’est la cynophagie (habitude alimentaire qui consiste à consommer de la viande de chien). On avait tout faux. En Chine, aujourd’hui, le politiquement correct c’est plutôt « Touche pas à mon pékinois ». Tant mieux pour les braves bêtes. Au lieu de finir leur vie dans une casserole, elles la terminent désormais dans un cimetière pour chiens.
De là à penser que le chien est un exutoire, il n’y a pas photo. Et Mao dans tout ça ? Eh bien justement, on peut se demander dans quelle mesure le transfert de l’affection sur le chien-chien n’est pas une conséquence directe de la politique de l’enfant unique mise en place par Mao pour limiter la natalité. Alors la faute à Mao ?
Plus pour très longtemps a priori. Un scoop récent a provoqué un tollé chez les amis des bêtes et une montée en puissance des « Touche pas à mon pékinois ».
Il serait question que la municipalité de Shanghai mette en place prochainement une politique du chien unique !
Nom d’un chien !
Lottie Brickert
Je me suis régalé! Du papier pas du chien!
La Chine marche-t-elle sur la tête?
Des chiens habillés et dorlotés comme des enfants-rois… Que c’est triste et atterrant… Cet amour maternel détourné car non assouvi… Immense pays, immense civilisation, aux richesses culturelles foulées au pied au moment de la Révolution de Mao… Des abus, toujours et depuis toujours… Des inégalités mais un lien existait, celui de la famille, des enfants trésors pour l’âge venant… des familles réduites ensuite à n’avoir qu’un enfant, voire 2 si le premier était une fille, donc une chose sans grande valeur!! Car seul le fils compte et prend en charge ses parents vieillissant… Filles dévalorisées donc cédées comme servantes … Aujourd’hui, la société fait une nouvelle place à ses femmes, actives, éduquées et engagées… Mais toujours mutilées dans leur rôle de mère, et réduites à jouer à la poupée avec … un chien… Empire des Hans, reprends-toi…
Si j’osais je dirais que voilà un papier qui a… du chien. Facile! Mais pourquoi s’en priver.
Pour ce qui est des chiens voyageant confortablement dans des poussettes d’enfant, point besoin d’aller à Shanghai. Il n’est pas rare de voir le même spectacle dans nos provinces (pardon, « régions » est plus politiquement correct…). Et nous n’avons pas l’excuse de la politique de l’enfant unique!
Je voudrais rectifier un point (je suis sinologue). Mao n’a jamais instauré la politique de l’enfant unique. Au contraire, il était même contre la contraception. Pour lui, une bouche à nourrir en plus était en fait deux bras en plus pour travailler ! Mao est mort à l’automne 1976, laissant la Chine dans un désastre d’explosion démographique. Ce sont donc ses adversaires, les tenants de Deng Xiaoping, qui ayant pris le pouvoir après sa mort et la chute de la « Bande des Quatre » (dont Mme Mao) ont instauré la politique drastique de l’enfant unique. On sait, des décennies après, que cela a « économisé » la naissance de 400 millions de Chinois, soit 400 millions de chômeurs. La politique de l’enfant unique vient de s’assouplir légèrement à deux car les enfants uniques sont submergés, seuls, pour soutenir les personnes âgées (parents, grand parents et arrière grands parents)…. L’amour des Chinois pour les animaux de compagnie est bon signe. Autrefois, sous l’Empire, tout le monde en avait. C’est Mao qui les a interdit….
Merci de votre remarque pertinente et de rétablir le fil de l’Histoire.
Rendons à Mao ce qui est à Mao et à Deng Xiao Ping…
Pourtant, s’il est vrai que la politique de l’enfant unique a été instituée en 1979 (soit trois ans après la mort de Mao), il n’en est pas moins vrai que le contrôle des naissances a commencé en Chine à la fin des années 1960. J’en ai pour preuve les femmes de ma famille qui ont eu à le subir.
Merci pour votre réponse. Sans doute que certaines femmes ont subi le contrôle des naissances, ça devait dépendre des courants politiques. Après le Grand Bond en Avant (lancé par Mao) qui fut un désastre économique et qui a provoqué une immense famine (avec des dizaines de millions de morts), Mao a été affaibli. C’est sans doute à ce moment que des campagnes de contraception et d’avortements ont dues été instituées car ses opposants ont repris le pouvoir. Puis au tournant 1964-1965-1966, Mao lance la Révolution Culturelle pour reprendre les rênes du gouvernement. Les Gardes Rouges, le cerveau lavé par les slogans, s’en sont donné à coeur joie pour accuser n’importe qui de n’importe quoi. Le fils de Deng Xiaoping a été jeté d’une fenêtre. Il a survécu et est resté en fauteuil roulant. Permettez-moi d’avoir une pensée pour les femmes de votre famille. C’est d’ailleurs toujours les femmes qui souffrent en premier…
Moi aussi je me suis régalée avec ce billet drolissime !
Il donne envie d’aller flaner aux beaux jours du côté du cimetière pour animaux du père Lachaise, histoire de savoir tout tout sur nos amies les bêtes.
Ce n’est donc plus une chienne de vie que d’être un pékinois dans certains quartiers de Shanghai. Une fois encore, les fruits de la croissance d’un pays sont inégalement répartis.
O tempora, o mores…