Au début de l’(H)histoire, il est ce mathématicien brillant, professeur à Cambridge, qui se présente à un entretien d’embauche pour intégrer une équipe chargée de faire tomber Enigma, cette machine de codage utilisée par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. A la fin de l’histoire, il est cet homosexuel condamné à la castration chimique pour « outrage aux bonnes mœurs ».
Entre les deux, une tranche de la vie d’Alan Turing (Benedict Cumberbatch) mise en images au cinéma par le réalisateur norvégien Morten Tyldum (« Buddy », « Anges déchus »). Un très bon film.
1940, l’offensive allemande contre la Belgique, la Hollande et la France met fin à la « drôle de guerre ». Rien ne semble arrêter la Wehrmacht qui progresse et règle ses déplacements et ses attaques selon des messages codés de son état major réputés inviolables. La Pologne et la Grande-Bretagne, dont les services secrets travaillent pourtant depuis plusieurs années à leur décryptage, piétinent. Varsovie, qui a intercepté un exemplaire de la machine infernale (en l’espèce une sorte de machine à écrire équipée de plusieurs rotors) a réussi à la transmettre à Londres juste avant de voir son territoire envahi. Ne reste plus aux Britanniques qu’à trouver le code qui la fait fonctionner…
En 1941, à 80 kilomètres au nord de Londres à Bletchley Park (un manoir victorien qui se visite aujourd’hui comme le lieu où l’on a « cassé » Enigma), les services secrets britanniques ont réuni tout ce que le pays compte de meilleur parmi les chercheurs, mathématiciens, cryptologues, linguistes, cruciverbistes et autres joueurs d’échecs. Improbable aréopage de génies, dans leur spécialité, qui doivent travailler ensemble pour déjouer Enigma. C’est l’équipe d’Alan Turing qui réussira à percer son secret. Pourtant, comme le montre dans une certaine tension le film, cela ne mit pas fin immédiatement à la guerre ; mais contribua cependant à la réduire d’au moins deux ans et à épargner plus de dix millions de personnes, d’après les historiens.
Benedict Cumberbatch tient ici son meilleur rôle au cinéma. On peut ne pas l’avoir aimé à la télévision dans Sherlock Holmes ou Van Gogh, ou au cinéma dans Khan, le méchant de « Star Trek into Darkness ». En incarnant Alan Turing, Cumberbatch prouve qu’il peut prétendre à des rôles plus sérieux, plus difficiles, plus… humains. Et gagne incontestablement ses galons d’acteur de cinéma. Bien secondé par Keira Knightley (« Anna Karenine »), Matthew Goode (« Stoker »), Mark Strong (« La Taupe ») et surtout Charles Dance (« Game of Thrones »), Cumberbatch les éclipse sans difficulté. Le film de Morten Tyldum est nominé huit fois aux Oscars qui auront lieu le 22 février prochain. Cumberbatch concourt pour le titre de meilleur acteur.
Le travail des scientifiques de Bletchley Park est resté classé « ultra secret » (soit le plus haut niveau de protection défense, spécialement crée pour le projet Enigma), pendant plus de cinquante ans. Alan Turing, considéré comme l’un des pères – sinon le père lui-même – de l’ordinateur moderne, est passé de l’ombre à la lumière en 2009. Cette date correspond aux excuses officielles du gouvernement de Gordon Brown au génial mathématicien condamné en raison de son homosexualité. Alan Turing se suicida à l’âge de 41 ans, deux ans après sa condamnation en 1952.
Valérie Maillard
« Imitation Game », de Morten Tyldum. Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Mark Strong et Charles Dance. Au cinéma depuis le 28 janvier.
Pour mémoire, parmi les personnalités que leur homosexualité a jeté en prison en Grande Bretagne, il y eut Oscar Wilde, mort dans un hôtel miteux à Paris le 30 novembre 1900.
Comme une ombre sur l’Angleterre. S.
Monstruosité de l’obscurantisme débile d’une société obtuse et castratrice… Comment ne pas reconnaître le caractère de chacun et l’accepter… L’époque du film montre que l’on a bien voulu utiliser l’esprit créatif et génial de cet homme, de cet Artiste fabuleux des codes… Utile, et utilisé quand il était nécessaire, dans le cours de l’Histoire et l’urgence… Puis balancé et réduit au néant, car, à part, et homosexuel… Lamentable hypocrisie… C’est à vomir de dégoût… J’ai honte pour notre société qui aujourd’hui encore, a du mal à accepter les différences, ce qui constitue notre valeur individuelle, notre trésor de cœur et d’esprit… Grandis et respecte chacun, message que l’on inculque à nos petits, collégiens ou enfants de nos familles!!! Et Est-ce le cas de notre Société actuelle, en France et partout dans le monde… Triste bilan… Signons la pétition pour attester de notre envie de faire avancer l’esprit de l’Homme pensant…