La faute aux lois de la gravité

Les lois de la gravité au théâtre Hébertot. Photo: Les Soirées de ParisC’est paradoxalement dans le cas où on ne la mettrait pas en prison qu’elle prendrait à son avis perpétuité pour un crime qu’elle a vraiment commis. Mais le commissaire ne veut pas l’arrêter. A quelques heures de la prescription de son crime, il estime qu’elle ne mérite pas ça, que la vérité n’est pas toujours bonne à dire et que si elle a un remords, eh bien qu’elle le laisse « pourrir au fond d’un trou ». Voilà pour « Les lois de la gravité », pièce convaincante qui se joue à partir de demain 5 février au théâtre Hébertot.

Cette histoire vraie, adaptée d’un roman de Jean Teulé est mise en scène par Anne Bourgeois. La pièce réunit un trio  d’acteurs impeccables, Dominique Pinon, Florence Loiret Caille et Pierre Forest.

Trouver le bon tempo d’un huis clos de quatre vingts minutes n’est pas un exercice évident mais l’affaire est bien séquencée, tout comme un roman, justement. Ce n’est certes pas évident de commencer une histoire dans un commissariat miteux où le commissaire de permanence s’ennuie au point qu’il s’échine sans succès à sortir un son de sa trompette. D’emblée Dominique Pinon impose un talent plein de maturité que l’on pourrait situer entre un Philippe Noiret ou un André Dussollier. Il est impeccable en commissaire fourbu qui voit un soir débarquer une femme, laquelle lui avoue avoir un peu aidé un mari violent à se suicider d’un balcon. Quand il est de permanence annonce-t-il, il faut toujours qu’il lui arrive « une merde ». Et « cette merde c’est vous » assène-t-il à la jeune éplorée.

Elle, c’est le personnage interprété par Florence Loiret Caille qui trouve ici un premier rôle à sa mesure après avoir été remarquée à juste titre dans le film « Parlez-moi de la pluie » (Jaoui-Bacri). Son crime est devenu trop lourd à porter et c’est en urgence, après s’être avisée que son acte allait être légalement prescrit, qu’elle plaide pour être conduite en prison.

"Les lois de la gravité" au théâtre Hébertot. Photo: LSDP

« Les lois de la gravité » au théâtre Hébertot. Photo: LSDP

Mais le commissaire, on l’a compris, ne l’entend pas de cette oreille et tente de lui faire comprendre qu’elle n’a pas eu vraiment tort face à un mari qui lui rendait la vie impossible et surtout connu comme un suicidaire multirécidiviste. L’homme de loi lui explique qu’il ne peut se résoudre à la ranger au milieu de tous les vrais criminels croisés dans une vie de policier qu’il n’a par ailleurs pas souhaitée.

Leur dialogue impossible, étrange, stupide, déraisonnable, n’est troublé par que par un flic de faction, humain et débonnaire, endossé par le troisième acteur de la pièce, Pierre Forest. Ses interventions apportent -avec un juste bonheur- les ruptures nécessaires qui font que le spectacle se suit de bout en bout sans jamais lasser un spectateur habilement invité à une triple empathie. Cette comédie est à la fois profonde, sensible, intime, drôle parfois, et au final très attachante.

Lors de cette avant-dernière répétition, force était de constater qu’il ne restait plus grand chose à régler sauf peut-être à changer la pile de l’horloge du commissariat, bloquée sur neuf heures dix. Mais le temps s’est arrêté justement, c’est sans doute un effet des « lois de la gravité » qui donne son titre à la pièce.

Les lois de la gravité. Au Théâtre Hébertot, à partir du 5 février.

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2 réponses à La faute aux lois de la gravité

  1. Anne Archen Bernardin dit :

    Un commentaire précis qui donne envie de courir au Théâtre! J’ai hâte d’y assister. Et vous? Peut-être aurons-nous le plaisir de découvrir ce moment de réflexion, en région, comme on dit avec condescendance à propos de tout endroit autre que Paris!!! Mais Orléans se défend et plutôt bien!!

  2. georges avignon dit :

    J’ai lu le livre. Je me suis regale. Je pense sincerement que Florence Loiret Caille a le profil ideal pour le role feminin

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