« Jouissez sans entraves », en voilà un conseil énergique qui donnait et donne toujours envie de le suivre séance tenante. En 1968, le photographe Henri-Cartier Bresson surprend rue de Vaugirard, un honnête bourgeois en train de lire le fameux slogan. Et l’histoire ne dira jamais si la journée de ce passant d’apparence bien sage en a été bouleversée. Mais le cliché est toujours là, beau reliquat argentique de l’épopée parisienne.
Alignées comme à la parade, les photographies de Paris Magnum, expriment avec bonheur tous les talents de la maison éponyme. L’agencement impeccable des 150 photos présentées à l’Hôtel de ville jusqu’au 28 mars recouvre quelque quatre vingts années de l’histoire de la capitale en partant du Front populaire. L’agence Magnum n’a été créée qu’après la deuxième guerre mondiale, mais il faut préciser que certains de ses membres étaient déjà au boulot.
Comme beaucoup l’ignorent y compris parmi les journalistes, les photographes sont des journalistes qui racontent par l’image ce que d’autres rapportent par le son ou la plume. Cette capacité à saisir l’instant qui compte, plus rapidement qu’un tournedos dans la poêle, apporte à l’actualité un élément essentiel que réclamait il y a fort longtemps Saint-Thomas : l’image pour y croire. Une chose est l’article qui raconte les bidonvilles de Nanterre en 1968, une autre est la photographie « décisive » qu’en fait Henri-Cartier Bresson avec cette vue des baraquements dans la boue.
Il y a à l’Hôtel de Ville, plusieurs dizaines de grandes signatures plus ou moins connues qui ont fait la réputation de l’agence Magnum. Robert Capa, Marc Riboud, Raymond Depardon mais aussi des noms plus discrets comme Inge Morath dont on découvre le talent quand, en 1936 la photographe autrichienne (disparue en 2002 à New-York) capte toute la photogénie d’un immeuble du canal de l’Ourcq.
Cette exposition nous fait revivre l’histoire parisienne avec des tirages que nous ne connaissions pas forcément comme Jacques Chirac en 1982, la clope au bec, attablé à ce qui ressemble fort à la cantine de la mairie ou encore l’une des premières minijupes (qui paraîtrait bien longue aujourd’hui) attrapée par Raymond Depardon dans une rue de la capitale.
En 1983 les balles de la Libération ont fini de siffler, on ne descelle plus les pavés de la rue Gay-Lussac, mais le vent de l’émancipation et de l’irrévérence souffle encore. Abbas encore lui, a figé Serge July le directeur du quotidien Libération, en pleine intervention. Cette image vivifiante vient nous rappeler que l’énergie n’est rien sans inspiration et que faute d’en être porteuse la presse se retrouve immanquablement sous contrat de gestion quand elle ne disparaît pas corps et biens. Une photo devant laquelle il est sain de méditer.
Tout le reste est à découvrir à petits pas dans cette exposition sans faute sauf peut-être que sous sa marque forcément mono-thématique, on risquerait d’oublier qu’il y a eu d’autres agences et même qu’il en reste encore qui n’ont pas démérité.
Merci de nous rappeler ce qu’est (et ce que pourrait être encore) la presse… Et de nous redire que le photojournalisme y a, bien sûr, toute sa place. Belle promenade dans l’histoire parisienne aussi.
Avec un mois de retard et n’étant pas encore gagnée par une rage de la plume, je ne peux que dire mon admiration sans borne pour ces hommes de la photo. Et quelles photos! Le noir et blanc, tellement percutant et subtile plus que la couleur, fille facile de l’instant…. Je fais un peu de la photo et je vais compléter mon approche du monde en retournant avec délectation au Noir et Blanc… J’ai retrouvé des photos anciennes des années 1930 de mon père. Belles, simplement… Un vieux reste de nostalgie refait surface, encore et toujours… Mes racines me titillent et me ramènent à Paris, dans ces lieux fabuleux comme le Café de Paris, où il travailla… J’y suis allée, l’autre jour, très émue. Servie comme une reine, j’ai dégusté cet instant magique qui nous a réunis, moi la petite fille et lui le malade partant pour un ailleurs qui l’attendait… Mais, ce n’était pas triste, j’avais l’impression de le retrouver, dans ce lieu fabuleux.
Tschüsssssssssssss
Ann