Comme ça on dirait l’expression moderne d’une vague d’Hokusai. Mais il s’agit d’un détail d’une publicité pour les papiers Job, imprimée sur un… buvard. Oui, ce papier dont la destination était de sécher l’encre de nos porte-plume via sa qualité poreuse, est tellement en voie de disparition qu’il fait désormais la joie des collectionneurs.
Ils se vendent à tout petit prix sur les brocantes ou via Internet. Pour un joli buvard, il faut compter entre un et cinq euros, c’est dire si on peut débuter une collection à bon compte.
Il est encore possible de s’en procurer des neufs mais ils sont vierges de publicités. Sauf si l’on veut renouer avec l’enfance du moins pour les générations porte-plume, un buvard neuf a peu d’avenir. En classe, il suffisait de tremper sa Sergent-Major dans l’encrier et laisser le buvard éponger le liquide violet depuis la pointe métallique pour créer des taches, sur les rivages desquelles l’imagination pouvait prendre son essor.
Ah nos buvards qui épongeaient nos fautes, reproduisaient nos blagues et nos pensées rêveuses. Il y en avait des roses, des jaunes, des blancs, des bleus. Ils ont été tués net par la technologie galopante des stylos à bille et même rendus obsolètes par les stylos à plume qui ne fuyaient plus.
Sur ce specimen portant la publicité Gilbert Blanzy-Poure, la plume côtoie le critérium, autre engin sans fuite avec le prestigieux stylo à bille quatre couleurs qui faisait l’objet de moult tractations à la récré. Mais le buvard n’était pas qu’un ustensile d’écolier, il a accompagné les plus grands écrivains, leur prêtant modestement main forte dans leur quête d’inspiration.
Aujourd’hui qu’il n’y a plus rien à éponger, la feuille de papier buvard achève sa carrière. Sur Wikipédia, on apprend qu’il en aurait été édités près de 10.000 dans un objectif publicitaire et que les collectionneurs connaissent trois dénominations improvisées : papibeverophile, papibeveriste, ou encore pictopublicephile.
On peut encore s’en servir pour constituer un herbier, prélever un peu de sang, y déposer de la drogue ou enlever des taches de cire tombée sur un tapis.
Il y a beau temps que l’on ne tache plus son cahier, sa lettre à Lou, son agenda et que l’on n’y lit plus les messages cryptés qui reproduisaient nos peurs et nos désirs inconscients. Et l’encrier qui résiste se sent bien seul.
PHB