L’ami Serge Férat

Photo: LSDPNormalement l’automne 1914 aurait dû voir la publication d’un numéro des Soirées de Paris consacré à Serge Férat, homme discret, tout à la fois peintre, ami de Guillaume Apollinaire et accessoirement propriétaire des Soirées de Paris. Mais la revue ne paraît plus. C’est la guerre et Apollinaire, directeur éditorial de la revue, va partir pour le Front.

Dix ans plus tard, Jean Cocteau , écrivain et accessoirement abonné des Soirées de Paris, va participer aux éditions Valori Plastici (Rome), à l’édition d’un opuscule voué à Serge Férat. Cet ouvrage s’inscrit dans une collection adressée aux artistes nouveaux. Maurice Raynal, André Lhote, Roch Grey, Giorgio de Chirico, publieront ainsi les préambules respectivement, de Georges Braque,  Georges Seurat, Vincent Van Gogh, Gustave Courbet. Saur erreur, on ne comptera la participation de Cocteau que pour Serge Férat.

Les œuvres de ce grand ami des artistes à la générosité de mécène et pourtant décrit par Cocteau comme très solitaire en 1924, occupent les deux tiers de l’ouvrage. Elles ne sont pas issues de sa production cubiste mais paysagère où l’on décèle une certaine fraîcheur qui n’est pas sans évoquer Rousseau ainsi qu’une influence flagrante de Cézanne dans sa façon si particulière de découper les toits. Ces reproductions attestent de la capacité de Serge Férat à emprunter différents styles. Il est « le contraire d’un homme de chapelle » comme l’écrit son préfacier.

En 1924, Cocteau n’a que trente cinq ans. Sa plume est encore légère, dépourvue de cette acrimonie gênante que l’on trouvera sur le tard dans ses mémoires. C’est un poète qui va nez au vent. Pour lui, le « groupe des Soirées de Paris déniaise la poésie, apprivoise les anges qui ne se gênent plus pour s’accouder sur le zinc et le faux marbre des marchands de vins, pour jouer de la guitare, fumer la pipe et lire le journal ».

Oeuvre de Serge Férat. Photo: LSDP

Oeuvre de Serge Férat. Photo: LSDP

Cocteau resitue l’importance des Soirées qui publièrent des débutants tels que Picasso, Derain, Braque, Max Jacob. « Ils cassent les objets, rappelle Cocteau, les syntaxes. Ils les recollent tant bien que mal ». Il compare l’ensemble de cette revue au premier aéroplane des frères Wright « fait de ficelles, de bouts de bâche et de cannes à pêche« . L’avenir démontrera qu’effectivement, Les Soirées de Paris ont été une étape voire un tremplin pour nombre d’artistes et écrivains.

Jean Cocteau trouve son texte trop court, mais il dit s’être inspiré du « tact » de Serge Férat pour écrire une « notice légère comme les copeaux sur lesquels un dessinateur souffle, une fois son crayon taillé ».

Pour commander ce petit livre, il fallait adresser un mandat aux éditions « Valori Plastici », via Ciro Menotti 10, Roma. On le trouve sur Internet à des prix raisonnables.

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Apollinaire, Histoire, Presse. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.