A regarder sa Madeleine peinte entre 1500 et 1502, on se dit que le Pérugin, aurait excellé dans le portrait de nos contemporains. Le visage de cette femme n’a heureusement pas cette touche un peu niaise, béate, qui plombe trop souvent l’iconographie chrétienne. Il y a comme un pli amer dans ce faciès qui accentue un résultat en tout point magistral.
Né vers vers 1450, Pietro Vannucci, dit Le Pérugin, excelle dans l’art du portrait. En témoignent encore, tout au long de cette exposition organisée jusqu’au 19 janvier par le musée Jacquemart André, les portraits de Don Biagio Milanesi ou encore celui de Don Baldassarre d’Angelo. Comme pour Sainte Marie Madeleine, ils sont frappants de modernité.
Comme le faisait remarquer un guide à un groupe de visiteurs, le talent du peintre italien s’exprime aussi dans l’exécution des mains : la marque des grands maîtres. Leur finesse, combinée avec un savant contraste des couleurs, leur confère une réalité stupéfiante. le Pérugin avait le regard dans la main.
Il est dit que ce peintre, avant d’avoir influencé Raphaël, s’est lui-même inspiré de Piero della Francesca. On le croit volontiers, c’est même une évidence qui saute aux yeux devant l’Annonciation, une petite huile réalisée vers 1498. Moins magique que celle de Piero della Francesca, cette peinture frappe cependant par sa beauté et la délicatesse extrême de son contexte. Son élégance générale donne à elle seule toute sa justification au « r » majuscule de la Renaissance. On ne peut s’extasier devant tout mais dans ce cas précis il est permis de se lâcher un peu.
Peu connu du grand public, cette exposition nous donne heureusement à connaître cet artiste qui vit le jour à Citta della Pieve, à proximité de Pérouse (Perugia). C’est très jeune qu’il a l’occasion de connaître Piero della Francesca. Son parcours est notamment marqué par ses fresques signées et datées, à l’église paroissiale de Cerqueto, près de Pérouse. Plus tard, il travaillera aux côtés de Sandro Boticelli, Domenico Ghirlandaio et Cosimo Rosselli à la décoration de la chapelle Sixtine. On se perd dans l’incroyable débauche de détails dont l’exécution est par endroits confiée à des collaborateurs. Sa gestion des perspectives, la précision de chaque personnage qu’ils soient au premier plan ou non, nous laissent bouche bée devant ce qui ressemble beaucoup à un génial arrêt sur image.
Infatigable peintre, sa production itinérante, jusqu’à l’année de sa mort en 1523, impressionne. Touché par la peste il rend son âme trois ans seulement après son cadet Raphaël (1423-1520) frappé très jeune par la maladie. Ce dernier dont son confrère Vasari nota que lorsqu’il mourut « la peinture disparut avec lui » et, quand « il ferma les yeux, elle devint aveugle ».
Des œuvres de Raphaël occupent la fin du parcours, mais c’est au banquier et mécène siennois Agostino Chigi qu’il a été donné de conclure, lui qui écrivit « Je vous dis que Le Pérugin est le plus grand maître d’Italie ». On acquiesce tout en opinant du chef ce qui n’est pas si courant.
Merci pour ce beau billet hors des sentiers battus et rebattus.
Couleurs pastel (plus douces que celles des tableaux de Raphaël), perspective et modernité… Belle exposition.