Se croyant persécuté par le fisc, ce qui reste communément l’hypothèse la plus probable, il avait décidé d’aller faire un tour au zoo du Jardin des Plantes, réputé pour son atmosphère non imposable. C’est le regard calme du baudet du Poitou qui finit par le rasséréner au point qu’il fut tenté de lui donner à brouter les deux avis de rectification, assortis de majorations et de pénalités, qu’il tenait serrés au fond de la poche de son pantalon.
S’avisant du choc toxique qu’il risquerait d’infliger à cet animal paisible, il renonça et s’en fut continuer sa promenade parmi les allées du zoo. En ce début d’automne singulièrement clément, un groupe de flamants roses en avait profité pour tenir un conclave au bord du ruisseau artificiel et le tout faisait comme on dit un charmant tableau, sans rien à… déduire.
Dans ce parc pour les longues peines, les conditions de réclusion sont inégales. Tandis que le baudet du Poitou jouit d’un espace confortable, certains pensionnaires se voient confinés dans des espaces moins enviables.
Mais globalement, soliloquait en son for intérieur notre promeneur, le climat y faisait comme un vrai baume, aux âmes percluses de tourments fiscaux.
Pour les amateurs de variations climatiques, le passage du dehors à l’enceinte des reptiles donne une bonne idée de ce qu’était le bassin parisien à une époque où l’automobile et autres pourvoyeurs de CO2 n’existaient pourtant pas.
Et notre assujetti aux contributions dut quitter sa veste pour assister sans être trop en nage à la sortie d’une préposée au bassin des crocodiles. Un spécimen du Nil y semblait figé dans un creux rempli d’eau, l’œil guettant une gazelle qui ne viendrait pas. On lui aurait bien offert un agent du fisc songeait notre parisien mais sa nature chrétienne était hostile à de tels sacrifices et il se promit de confesser cette funeste idée au pied du premier saint de la première église venue.
Du reste et pas à pas, les effets bénéfiques du zoo conjugués à cette ambiance encore estivale, achevèrent de dissiper les humeurs peccantes de notre névrosé du deuxième tiers.
Ce Jardin des plantes, concentré de sous-jardins et de plantes, est décidément idéal pour se détendre et chacun pourra y larguer ses ennuis, tout comme l’ara multicolore de la ménagerie qui lâche superbement son guano devant des enfants ravis. Pour la visite de l’abonné aux contributions, les fauves étaient de sortie, en réunion de stratégie digitale, en vacances, au parloir, déportés ou à la visite médicale annuelle, ce qui fait que la salle, vide de visiteurs et de locataires lui offrait toute sa beauté architecturale.
Par la suite, le jardin alpestre, les grandes serres tropicales, le cèdre du Liban et le bâtiment abritant le bel amphithéâtre Verniquet voulu par Buffon et, bien évidemment, le baudet du Poitou avec ses dreadlocks, achevèrent de reléguer dans l’abstraction le début de panique fiscale qui avait gagné notre visiteur aux abois.
J’attends avec impatience mon prochain tiers provisionnel !
un flamand rose ou un flamant rosse ?
Monsieur Maurel vous avez tout à fait raison pour le « t ». Erreur corrigée grâce à vous, merci. PHB
Le baudet du Poitou me rappelle une histoire. Dans les années 70, la race avait disparu, il n’en restait que le souvenir de vieilles cartes postales du début du XXème siècle, quand la mule, de haute taille et le sabot agile, était appréciée en montagne. Le baudet (qui est l’âne de l’histoire) était croisé avec une jument mulassière pour donner une mule, c’est elle qui travaillait. Et puis voilà, on retrouva le baudet au Portugal je crois, trahi par ses longs poils. Un plan de sauvetage fut mis sur pied, et l’espèce fut sauvée. Pendant ce temps un prestigieux rédacteur en chef du service économie du journal Le Monde s’ennuyait. On lui conseilla de prendre l’air et justement il tomba sur un scoop qui pouvait faire trembler la planète, on a retrouvé le baudet du Poitou. Il connaissait un journaliste à Niort, directeur régional d’un quotidien régional, le Courrier de L’Ouest. Les voilà en piste derrière l’âne, caresser ses long poils, écoutant les éleveurs sonner des clochettes pour convaincre l’âne, yeux bandés, de trouver un intérêt à la jument mulassière. En effet pour sauver l‘espèce il importait e reconstituer la famille au complet, l’âne, la jument et la mule. Je me souviens d’un diner de têtes ou sautant du coq à l’âne, le Parisien se tourna vers moi et me demanda quelle signature, je connaissais du Monde. Je ne m’en rappelais d’aucune ou presque, heureuse réponse, il triompha : jeunes journalistes soyez modestes, on vous flatte mais vous demeurerez à jamais dans l’oubli. Peut-être un jour vous redécouvrira-t-on au Portugal, et encore faut-il y aller.