Alex Lutz, ça nous disait bien quelque chose. D’abord cette affiche que l’on voit partout : le petit garçon de notre enfance, inénarrable chemise raillée de bleu et de rouge, sourire Colgate avec ses chocolats à la main. Et puis les sketches sur Canal +, un second rôle dans OSS 117 et ce spectacle qui tourne dans les salles parisiennes depuis plusieurs saisons. À force d’en entendre parler, on décide d’aller juger sur pièce le « blondinet ».
Dans la salle du Théâtre Bobino, Alex Lutz ouvre le show en jouant l’acteur porno débordé. On rit avec tout de même une (très) légère appréhension, on avait imaginé quelque chose de ludique et chic, une réflexion poétique de bon goût sur les plaisirs de l’enfance… la faute de l’affiche sans doute. A-t-on bien fait de venir avec le collègue de travail ? La question commence à poindre. Et puis les numéros s’enchaînent et on se prend tout doucement à refaire confiance à l’artiste. Tant et si bien qu’on finit par rire sans retenue, en savourant les barres les unes après les autres.
On retrouve tous les bons vieux ingrédients comiques : la boîte de nuit, les femmes et leurs hormones, les souvenirs d’enfance (on l’aura eu notre père Noël et sa petite souris !). Tout est là mais toujours déplacé et inattendu. Même le sketch grivois en début de spectacle est comme une concession faite au genre, vite congédiée. Une fausse piste, on n’ose pas dire.. un cul-de-sac.
Et très vite, on accompagne avec ravissement notre histrion hors des sentiers battus du one man show. La rêverie étymologique et phonétique autour de « Montparnasse » donne lieu à un discours historique délirant : un des moments les plus audacieux du spectacle. Les personnages défilent et A. Lutz embrasse tout avec gourmandise : corps d’homme, de femme, petit garçon, danseuse, singe et même, cheval. Tout semble devenir prétexte pour l’humoriste à devenir morceau de bravoure théâtrale. Les quelques minutes de « spectacle équestre » final valent à elles seules le déplacement.
Et puis incidemment, la mélancolie perce sous le rire. Quelque secondes suffisent, comme lorsque le clubber-baroudeur reste seul sur la piste de danse. Et quand A. Lutz devient un vieux tenancier de cabaret dans les années 1940, on croque dans un morceau d’anthologie. Une impression troublante nous saisit alors : on peut donc rire d’un corps vieillissant qui se délite jusqu’à s’éteindre. La question se repose au moment du sketch sur le SDF. Car cette fois la recette magique fonctionne moins bien et un léger malaise nous traverse. Manque de temps pour installer le personnage, dosage ironique mal pesé ? C’est notre seule réticence à un spectacle brillant de bout en bout. Et quand le Kinder sucré, un brin écœurant de la publicité laisse place à un chocolat intense doublé d’une légère amertume, nous en redemandons.
A Bobino jusqu’au 25 octobre, à l’Olympia, le 23-24-25 janvier et au Châtelet en avril mai 2015.
Voilà qui donne envie d’y aller…