Le suivi du follower suivant le Jeu de Paume

Illustration: Les Soirées de ParisPlus de 50.000 « fans » sur Facebook et 64 d’entre eux qui « aiment ça », voilà ce dont s’enorgueillit sans doute à juste titre le Musée du Jeu de Paume pour ses 10 ans. Et comme par un effet de résonance, l’exposition virtuelle en cours sur le site du musée se focalise sur « cette économie de l’attention », soit la monétisation de la vigueur d’une page web abritée chez ces fameux réseaux sociaux comme Linkedin, Twitter, Instagram, Google plus et autres Facebook.

Tous les lecteurs des Soirées de Paris n’étant pas forcément au parfum de la nouvelle vie apparue depuis quelques années sur toutes sortes d’écrans autres que la télévision, une exposition virtuelle est celle que l’on peut découvrir de chez soi, pour peu que l’on ait une connexion Internet et un appareil pour se connecter, mais les deux vont souvent de pair.

Ce qui fait que quelle que soit l’heure et le lieu, l’entrée est libre, sous réserve d’expertise.

Depuis le 26 septembre et jusqu’en avril 2015, on peut avec sa souris ou son index, visionner et entendre sur le site du Musée du Jeu de Paume, une œuvre de Constant Dullaart, intitulée « High retention, slow delivery ».

S’étant avisé, mais ce n’est pas un scoop, que l’audience spécifique des « Followers, fans, likes, amis… » est constitutive de l’économie des grands réseaux sociaux, cet Hollandais de 35 ans en a fait une œuvre essentiellement sonore. Monocorde, une voix nous explique l’accoutumance croissante, le lien existentiel de plus en plus indispensable, entre quelqu’un et ses suivants. Etre « suivi » c’est exister est-il expliqué en filigrane. Ne pas être « suivi » c’est exister enfin, se surprend-on à commenter à voix haute.

L'oeuvre de Constant Dullaart sur un écran d'ordinateur. Photo: Les Soirées de Paris

L’oeuvre de Constant Dullaart sur écran. Photo: LSDP

Esthétiquement sans grand intérêt l’œuvre de Constant Dullaart a le mérite du bon propos et de la bonne analyse qui suscite de bonnes questions. Autrefois l’on pouvait lire le journal tout en marchant dans la rue en s’excusant éventuellement auprès de quelqu’un que l’on aurait bousculé, de ne pas l’avoir vu. Mais le journal avait une fin.

Tandis qu’aujourd’hui la même personne scrutant le matin l’écran de son téléphone intelligent est la même le soir qui le consulte en sens retour. Elle se mire sans se voir à travers les images et les mots que l’écran lui renvoie. C’est ça la vie moderne.

 

Pour la réalisation de son œuvre, Constant Dullaart a fait comme les tricheurs, il s’est procuré comme c’est possible, des paquets de « suiveurs » sur le marché de gros et il les a uniformément répartis sur des comptes individuels de Instagram et de Twitter. Les utilisateurs de ces deux plateformes ne peuvent en effet pas refuser ceux qui veulent leur coller au train au contraire des autres réseaux qui proposent un filtrage préalable. Ce faisant, son but était d’altérer l’unité de compte de ces grands acteurs du web.

La fin de cette « performance » se termine par un énoncé sur fond musical des gens concernés par cette action, leur nom étant précédé d’un @ que l’on prononce at’.

« Rejoignez-nous sur Facebook, suivez-nous sur Twitter, ajoutez-nous dans Google Plus », telle est la supplique du Musée du Jeu de Paume à la fin de l’un de ses mails. Tout l’enjeu est bien là.

C’est par ici, si vous voyez un petit écran qui ne semble rien dire il faut cliquer dessus.

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