Autour de la figue
Il n’est ni rond ni carré mais pointu.
Quoi donc, quoi donc ? Té pardi le ficu !
La robe jaspée dont se drape l’androgyne
Blanche, noire ou grise, voire couleur aubergine,
A, tout le temps que dure la saison,
En mon palais – jusqu’à la déraison ! –
Ses entrées… Qu’y puis-je ?, elle affole mes sens
A en gaver les miens, à frôler l’incidens*…
Je suis dingue, dingue, dingue de figues. Quand arrive la fin de l’été, je guette leur arrivée sur l’étal du fruitier. Je craque devant leur pédoncule dressé m’intimant l’arrêt mieux qu’un autostoppeur, leur peau saturée de soleil sur le point d’éclater, leur ostiole (orifice ombilical) tendre où perle une goutte de nectar.
Ce curieux faux-fruit n’a pour moi rien d’un faux ami. Car ce n’est pas un fruit au sens botanique du terme mais « une inflorescence », nous apprend Wikipedia. Un réceptacle charnu de milliers de fleurs minuscules éparpillées en une pulpe comestible. Ainsi, en dégustant le fruit, on s’envoie une brassée de fleurs. Beau cadeau de la nature !
Autre curiosité de cette primeur, ses fleurs mâles et femelles ont besoin, faute de maturité synchrone, d’un parasite intime pour se polliniser. Singulier ménage à trois champêtre. L’intrus, ou plutôt l’intruse, est une guêpe lilliputienne du nom de blastophaga. Brave insecte fertilisateur dont je suis déjà gaga.
Donc, si je résume, la figue est une plante androgyne dont la fructification s’opère grâce aux larves de ce mini cheval de Troie ailé. Si Homère s’en mêle, l’odyssée du bon goût peut commencer ! Et d’ailleurs ça fait des lustres qu’elle a débuté sur notre planète. La figue serait de fait le plus ancien fruit domestiqué. On en a retrouvé dans la vallée du Jourdain, datant de plus de neuf mille ans avant JC. La Genèse troque d’ailleurs la pomme pour la figue afin d’expliquer la tentation qu’eut Eve de croquer dans le fruit défendu. Pas folle la première guêpe du Jardin des délices, oserais-je dire. Responsable mais à peine coupable d’avoir écouté le satané serpent.
Pour une fois, je passe sur les apports énergétiques du ficu (nom corse de la figue). Peu m’importe les vertus du gros noir fort comme un Turc ou du gringalet violet en provenance de Solliès tant je l’ai-ai-me. Au point d’en cuisiner midi et soir, salée ou sucrée, en entrée, en accompagnement de plat ou en dessert. Pour les amis j’ai même concocté un menu « autour de la figue ».
Cette chronique pour m’excuser auprès des miens de ma « figuite » aiguë. Une addiction sévère au point de planter du figuier sur la moindre parcelle ensoleillée de terrain ou de jardinière bien exposée. Car si vous plantez ce Méditerranéen à l’ombre, il vous fera le geste de la quenelle. Les figuiers ont fait de moi la Perrette de la fable. J’en escompte des cueillettes en avalanches colorées à la Bortolomeo Bimbi**.
A ce stade, il vous tarde peut-être de connaître la recette. Mais la figue, c’est un peu comme la noix de Charles Trenet. Fermée, on la soupèse, on la scrute, on en cause. Noire ou blanche de peau, on suppute la couleur de sa chair, d’ailleurs pas toujours rose à la différence du genre humain. Ouverte, le temps n’est plus à ce genre d’interrogations…
En entrée, j’associe la figue au Rocamadour. Ce tendre petit fromage de chèvre au lait entier s’étale de tout son long sur le faux fruit une fois les amants passés au four. A servir couchés sur du pain aux noix qui récolte leurs débordements, accompagnés d’une salade de jeunes pousses vinaigrée à l’échalote. Et surtout pas de (lune de) miel pour les amoureux !, l’entrée serait alors sucrée à l’excès.
En accompagnement, la figue fait merveille avec un filet mignon de porc au cidre et aux pommes fruits. N’ajouter les figues en quartiers qu’en toute fin de cuisson. En dessert, je pose des figues coupées en deux dans un plat allant au four dont le fond a été préalablement parsemé de noisettes de beurre demi-sel. Je place une miette de beurre sur chacune de ces moitiés de figue et saupoudre le tout d’un peu de cassonade et de cannelle avant de glisser le plat une dizaine de minutes à four chaud, puis quelques secondes au gril. Des figues s’écoule alors un sang divin tandis que beurre et sucre forment une croûte caramélisée. Servir en chaud/froid avec une boule de glace vanille ou de la crème anglaise.
* Mot écrit en latin pour enrichir la rime
** Peintre toscan célèbre pour avoir immortalisé l’extraordinaire palette de couleur de cultivars de figues
Hmmm! Et les figues avec une compotée d’oignons… Mon appartement s’ouvre sur une terrasse, je regarde mon figuier déjà en tenu d’hiver, il a perdu toutes ses feuilles, seules quatre figues, finissent de murir. Le figuier a son caractère, la première année je l’arrosais plusieurs fois par semaine, las les feuilles étaient jaunes dés août. On m’expliqua que même en bac il fallait très peu l’arroser, un peu toutes les trois quatre semaines et encore vu les étés que l’on se paye, pour ainsi dire jamais.
Il reste que mon figuier perd toutes ses feuilles des la première semaine de septembre. J’en étais à mes considérations sur l’arrosage quand voici deux ans mon voisin de terrasse, achetait lui aussi un figuier. Bon d’accord la première année ses feuilles jaunirent, mais lui aussi perdit toutes ses feuilles à peine une semaine après le mien chaque été.
En revanche, il est un arbre que l’on croirait vivre sur le mode sec, et bien non, mon olivier est couvert de fruits. Les années précédentes les olives avaient tendance à flétrir, on me conseilla d’arroser abondamment et tous les jours mon arbre, et là miracle mes olives grossissent, repues, la peau brillante. Bon faut attendre et la préparation est compliquée, je vous tiens au courant.
Pour assouvir votre figuite aigue, je vous propose de faire un tour dans le golfe du Morbihan en juillet, notre figuier fournit de quoi nourrir plusieurs familles sans oublier les abeilles! Eh oui, le figuier se plaît aussi en Bretagne!
Effectivement, il y en a en Bretagne (sud). Mais quelle est donc la variété du tien pour produire autant ? Ca m’intéresse !
Je ne connais pas la variété de ce beau figuier!
Auprès de mon arbre… Celui de mon balcon a encore quelques feuilles un peu jaunies et quelques faux fruits bien verts qui ont failli murir… Je suis encore à l’école (de la patience)…
Attention, on a identifié deux cas où la figuite aiguë peut provoquer des déceptions, que dis je, des frustrations insurmontables : le beau gros figuier du jardin capable de ne produire que de vilaines figues semblables à d informes outres vertes, molles et aqueuses, berk… ; la vie dans un pays où la figue est inconnue au bataillon des étals ou dans un autre où elle se vend au prix du caviar (j ai vécu dans un de la première catégorie et vit actuellement dans un de la seconde, et y lire qu à Paris on se repaît d un menu total figues, c est proche de la torture !). Merci Guillemette !