L’on pourrait presque renier sa famille pour en être. En fin de parcours de l’exposition dévolue aux dessins du Studio Ghibli , le musée Art Ludique a placé une borne photographique. Comme dans un photomaton, il faut s’asseoir sur un banc, déclencher le retardateur puis entrer son adresse électronique. Une fois rentré chez soi on peut se découvrir inclus, sur un fichier haute résolution, dans une scène du voyage de Shihiro, assis à côté de la petite héroïne et l’un des fantômes étranges du film. Un gadget irrésistible (Voir à la fin).
Cette exposition extraordinaire présente 1300 de ces dessins qu’il est convenu d’appeler des layouts, préalables à la réalisation d’un film d’animation. Autant dire 1300 chefs d’œuvre signés Takahata et surtout Miyazaki qui nous enchantent autant qu’ils nous débordent un peu mais c’est pour la bonne cause.
A ses débuts nous explique-t-on, Hayao Miyazaki était capable d’en exécuter plus de 300 par semaine ce qui relève de l’exploit. Elles sont toutes là, ces esquisses préliminaires à des monuments de poésie et de cinéma matérialisées par des films comme « Le voyage de Chihiro », « Le château dans le ciel », « Le château ambulant », « Porco Rosso « et l’indispensable « Mon voisin Totoro ».
Lorsque « Mon voisin Totoro » débarque en France à l’aube des années 2000, les Français découvrent Miyazaki à travers un film qu’ils croient réservé aux enfants. Mais la contamination du maître s’opère sans discernement et les adultes reviendront voir Totoro sans les enfants et achèteront même la cassette avant d’acquérir le DVD. La séduction y est déjà totale, que ce soit à travers le scénario ou par le soin apporté à chaque détail.
Aucun ratage chez Miyazaki, on s’y laisse prendre à chaque fois. Certains films sont violents (La princesse Mononoké), romantiques (Porco Rosso), souvent féministes, toujours poétiques et systématiquement transcendés par une magie onirique aussi subtile que féconde.
Et voilà que ce tout neuf musée vouée aux arts ludiques nous en livre le substrat. Chaque dessin vient révéler l’empreinte laissée dans nos méninges par tous ces films que l’on a vus et revus. Au film d’animation succède la réanimation. Il y a par exemple cet extraordinaire dessin du dieu de la forêt qui nous saisit encore par son apparition aussi étonnante qu’enthousiasmante dans « La princesse Mononoké ».
Mais tout est là et pièce après pièce il nous est loisible d’admirer le soin hors du commun apporté au cadrage, à la mise en scène, aux nuances de couleurs. Ces dessins sont d’une précision étonnante et trahissent la vision très sûre de Hayao Miyazaki avant que son travail ne soit finalisé.
La scénographie est un peu faible puisqu’elle se présente comme un catalogue mais c’est la rançon de l’exhaustivité. Il y a néanmoins deux coupures, l’une matérialisée par un couloir qui nous emmène face au palais infernal du Voyage de Chihiro et par ailleurs une pièce en trompe l’œil qui nous fait croire que ce fameux palais à vapeur en forme de gigantesque SPA nous a purement avalés.
Cette traversée de la pensée de Miyazaki et de la production historique du studio Ghibli est en tout point épatante. Jusqu’à ce qu’elle inclut notre propre image dans le dessin. Et ça, encore une fois, c’est le coup de maître.
Art Ludique, le Musée. 34 quai d’Austerlitz. Jusqu’au 1er mars 2015
Le graphisme est déjà très poétique. PhB est en belle compagnie, de quoi réhabiliter les horribles photomatons !
Génial!
MIYAZAKI , sur les pas de Jules VERNE qu’il a lu ,
exhume pour nous une mythologie japonaise fabuleuse
et nous entraîne , en « Petit Prince » du Dessin Animé ,
sur les chemins du Merveilleux .
Cette expo est incontournable .