Au cours de l’année 1958, l’écrivain Jacques Perret fut désigné par des « fumeurs de son clan » pour rédiger un « Rapport sur le Paquet de Gris« . Imprimé à seulement 1600 exemplaires en 1964, âprement négocié 50 euros au marché aux livres du parc Georges Brassens en 2014, ce mince livre déplorait la modification du paquet de gris, dans le contexte d’un changement de constitution. Pour celui qui croyait encore aux vertus des lois mérovingiennes et plus globalement à la continuité de certaines valeurs, ce double coup était rude.
Que dirait-il, le pauvre, cinquante ans plus tard, en se procurant l’un des derniers paquets cubiques de Caporal, pour 8,20 euros, lui qui regrettait liards et louis ? Né en 1901 à Trappes, ce réactionnaire et libertaire revendiqué, à l’écriture surfine, a bien fait de ne pas survivre jusqu’ici pour encaisser l’avènement de l’euro et entendre par la voix de la ministre de la santé, que les paquets de cigarettes allaient tous devenir anonymes. Et que même l’usage des succédanés électroniques à vapeur étaient désormais suspects.
La discipline comportementale a un goût de règlement bien amer dans un pays qui se vante de protéger le libre arbitre. Chaque jour, on le constate, nos libertés sont grignotées comme une falaise par les eaux, au nom d’un parti pris dont la substance est de protéger les gens contre eux-mêmes. Demain, il faudra fumer dans l’anonymat et après-demain dans la clandestinité, c’est la prochaine étape logique. Constituez donc vos réserves de clopes, cigares et pipes.
En pensant à Jacques Perret, fumeur qui n’aimait rien temps que de remonter la rue de la clef en danseuse, on peut craindre à court terme et dans le même ordre d’idées, que le casque à vélo sera bientôt une règle de même que le gilet orange réfléchissant. Le pauvre gars qui pédalera tête nue, la clope au bec en veston d’alpaga se verra vite verbalisé, c’est le sens d’une histoire qui professe que tout ce qui n’est pas interdit devient obligatoire. Gai horizon que l’on prétend pourtant, et à qui mieux-mieux, festif et solidaire. Quel est ce progrès qui nous enserre dans une camisole.
L’aimable débitant asiatique du tabac de Jourdain s’est fait répéter la demande : « un paquet de quoi ? » Fouillant alors derrière les emballages de blondes que tout le monde reconnaît encore, il a fini par dénicher la chose cubique et grise de « Caporal bleu » tout en dévisageant avec une curiosité non feinte son interlocuteur. Ce commerçant, éduqué depuis plusieurs générations à ne pas faire de commentaires sur les us de sa clientèle, a admis à voix haute qu’il s’agissait de sa première (et sans doute dernière) transaction du genre.
Le paquet de gris de quarante grammes du débitant de tabac stationnait à l’arrière de l’étal dans une posture d’objet de musée délaissé dans le cubisme. A près de deux cents euros le kilogramme de Caporal Bleu, il finira aux enchères. En attendant les prochaines interdictions, il est toujours possible de compter mentalement ce qui reste autorisé. Pas besoin de calculette, avec les doigts des deux mains, ce sera hélas vite fait.
Ah ah Monsieur Bonnet retrouve les volutes du temps de ses culottes courtes ??
Mais attention de nos jours « le tabac t….. »
Bonne fin de semaine.
Quel bonheur d’entendre pa
Quel bonheur que de lire quelques lignes sur Jacques Perret et le « jardin d’Éden »…
… et c’est sans compter que, nos parents et grands-parents jardiniers connaissaient bien l’affaire, du gris infusé dans un arrosoir d’eau (froide) que l’on videra en douche sur les plantations fait un excellent anti-puceron biologique !
Le tabac n’a pas encore livré tous ses secrets et vertus, mais faut-il encore qu’on prenne la peine de les chercher. Merci de ces petits gris…