Les haricots de mon grand-père

Ma grand-mère, souvent nostalgique de la vie parisienne, s’échappait de temps en temps pour venir passer quelques jours dans la capitale. Mon grand-père, qui pour rien au monde l’aurait accompagnée, avait, pour l’occasion, acheté une impressionnante cocotte dans laquelle il faisait mijoter plusieurs heures durant des haricots blancs demi-sec, je ne sais pas s’il y cuisait des « cocos de Paimpol » ou des « mogettes de Vendée », mais assurément pas des « haricots tarbais » ni des « lingots de Castelnaudary ».

En tout cas nous étions à la fin de l’été, le haricot se cueille et s’écosse entre la fin juillet et le début octobre. Mon grand-père devait probablement accompagner ses haricots, plat unique pour une semaine au moins, d’une cote de porc ou d’une tranche épaisse de jambon à griller. Le jambon vendéen est le seul jambon que je connaisse, qui, avant d’être séché et affiné, est nappé d’eau-de-vie de prune ou de poire avant d’être frotté d’un mélange d’aromates. Il me revient en mémoire que ma grand-mère n’aimant pas les huîtres, mon grand-père s’en allait aussi, le jour du marché, en acheter une douzaine qu’on lui emballait dans un cornet en papier journal.

Il se rendait ensuite dans son atelier, non loin de là. Le mot atelier est un peu excessif pour designer ce capharnaüm, un baraquement en bois, qui bouchait le fond d’une impasse. Avec son couteau multi-lames, dont j’ai découvert tardivement que sur le manche en laiton y était gravé un pêcheur, il ouvrait ses huîtres puis jetait les coquilles par terre, comme ça. J’ai toujours bien aimé mon grand-père.

Le haricot blanc fait partie des trésors que l’Espagne ramena des Amériques dès le XVIème siècle. Depuis bon pied, bonne gousse, il a su se fondre dans le terroir, aujourd’hui le « cocos de Paimpol » a son aire d’appellation contrôlée, les autres ont leur label européen.

Haricots blancs maison  Photo: Fabienne Markewitz

Haricots blancs maison*; Photo: Fabienne Markewitz

Dans cette délicieuse collection « Découvertes Gallimard », l’opus consacré à la Gastronomie s’interroge sur ce qu’il appelle « le secret du mangeur de haricot ». En effet, un voyageur rapporte qu’une fois à Douarnenez une autre fois à Lucques, il s’aperçut que l’on cuisinait de la même manière le haricot, dix heures à l’étouffée dans l’âtre, sans ajouts d’aucune sorte. La première fournée est servie le soir avec une sauce de ragoût déglacée, la seconde accommodée avec un oignon cru. Cela dit l’auteur exagère un peu. Une fesse poitevine et l’autre angevine, j’ai toujours mangé les haricots en deux fois comme indiqué, et ce n‘était un secret pour personne.

Tout môme, j’aimais bien écosser les haricots, pénétrer le doigt dans la gousse, puis le descendre et faire tomber les graines. Rien à voir avec les haricots secs, la peau épaisse la chair farineuse et réputés par les flatulences qu’ils provoquent. Le haricot frais a l’avantage de bien se congeler, aussi le trouve-t-on dans quelques enseignes spécialisées.

On passe à la cuisine ? Dans une cocotte, recouvrir les haricots d’eau rajouter trois carottes, une tomate un bouquet garni et trois gousses d’ail. Ne surtout pas saler, couvrir et porter à tout petit bouillon pendant deux ou trois heures. Après deux heures, saler légèrement. Quand le haricot est devenu fondant, il est cuit. Bon je vous laisse, il faut que je prépare mes tomates farcies.

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Le mangeur de haricots d’Annibale Carracci (1584). Le haricot commençait juste à se répandre en Europe ! (Source image libre de droits: Wikipedia)

Le mangeur de haricots d’Annibale Carracci (1584). Le haricot commençait juste à se répandre en Europe ! (Source image libre de droits: Wikipedia)

 

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4 réponses à Les haricots de mon grand-père

  1. Article réconfortant, merci. PHB

  2. jmc dit :

    Saliver à l’idée d’un haricot de mouton deux heures après son petit-déjeuner… merci Les Soirées!

  3. mariechristine.paquentin dit :

    à propos de ces haricots blancs, j’ai une jolie histoire « vraie » entendue sur une radio que je nommerai pas !!! qui fera peut être une nouvelle inspiration poétique.’haricot blanc suite’
    un monsieur breton, écossait un matin d’été des haricots blancs, et qu’elle n’a pas été sa surprise en découvrant dans un haricot, (la qualité n’a pas été précisé), !!!! une alliance qui » s’était greffée » dans le haricot.
    en observant cette alliance il a découvert 2 prénoms à l’intérieur :Valérie et Pascal, mais pas de date d’union. on recherche le ou la propriétaire, et on suivra bien sur l’histoire.
    merci pour le Soirées
    Mcp
    en attendant, à ta chère plume et ton talent pour continuer !!!!
    bises
    ps : j’ai découvert Lisboa, que de charme et je m’y suis retrouvée

    • Bruno Sillard dit :

      On savait que les bébés naissent dans les choux, sont amenés par les cigognes, voilà maintenant que les anneaux sont apportés par les cocos…

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